Plusieurs techniques permettent d’évaluer l’adéquation du flux coronarien dans les différents territoires myocardiques. Elles sont basées sur l’utilisation d’un radiotraceur absorbé par les cellules myocardiques et d’un vasodilatateur qui redistribue le flux coronarien. Comme le lit vasculaire est maximalement dilaté au repos derrière une sténose, l’agent vasodilatateur augmente le flux dans les zones saines seulement, ce qui baisse la pression de perfusion à travers la sténose et induit un phénomène de vol sur la zone ischémiée dont la perfusion diminue. Deux agents sont utilisés à cet effet.
- Le dipyridamole ; il bloque les récepteurs de l’adénosine et augmente la concentration libre de cette dernière ; une dose de 0.85 mg/kg augmente de 4 à 5 fois le flux coronarien. Les effets secondaires sont une hypotension systémique (30% des cas), des céphalées et des nausées. La substance est contre-indiquée en cas de bloc AV, d’asthme et de traitement bronchodilatateur. L’effet, qui dure plusieurs heures, peut être renversé par l’aminophylline.
- L’adénosine ; vasodilatateur physiologique, elle a une durée de vie de quelques secondes ; elle provoque une tachycardie et une hyopotension. Les effets secondaires sont plus fréquents et plus importants que ceux du dipyridamole.
Scintigraphie au thallium-dipyridamole
La scintigraphie au thallium-dipyridamole (STP) par gamma-caméra utilise les propriétés du thallium-201 de pénétrer rapidement dans les cellules myocardiques de manière analogue au potassium, en combinaison avec l’effet vasodilatateur du dipyridamole sur les territoires sains. Le thallium 201 est éliminé des cellules en 2-3 heures ; l’imagerie répétée à 3-4 heures représente la situation de repos. Le tissu normal présente les même images aux deux temps, alors que les zones infarcies affichent les mêmes défauts de perfusion (défauts fixes). Par contre, les zones présentant une ischémie active n’affichent le traceur que dans les séquences au repos ; elles apparaissent comme des zones muettes sous l’effet du dipyridamole (Figure 3.2B).
Figure 3.2 B : Scan thallium-dipyridamole au repos et après injection du vasodilatateur (stress). La zone non-perfusée apparaît comme une lacune (flèche) [Extrait de: Zipes DP et al, eds. Braunwald's Heart Disease, 7th ed. Philadelphia:Elsevier Saunders, 2005, Figure 13-24A].
Le risque cardiaque est proportionnel à l’étendue de ces défauts réversibles: il est doublé lorsque la réversibilité est de 30% et décuplé lorsqu’elle est de 50% [2]. Les défauts fixes ont peu de valeur pronostique pour le risque d’infarctus périopératoire. D’une manière générale, les défauts réversibles prédisent les accidents périopératoires et les défauts fixes les évènements à long terme [3]. Techniquement, la scintigraphie nécessite l'emploi de matériel radioactif, le jeûne du patient, et des images répétées jusqu'à 24 heures. Elle est contre-indiquée en cas d'angor instable ou de BPCO sévère. La technique scintigraphique permet en outre d’apprécier la cinétique des parois ventriculaires, de quantifier leur taille, et de calculer la fonction globale des ventricules. Un test négatif a une haute valeur prédictive négative (97%) pour les accidents ischémiques, dont l'incidence est alors inférieure à 1%/an [5]. Comme pour l’ergométrie, la valeur prédictive positive est basse (11%) [4].
SPECT et PET-scan
La tomographie computérisée par émission de proton (SPECT) au technetium-99m (99mTc sestamibi et 99mTc tetrofosmine) permet une analyse analogue des défauts de perfusion sous vasodilatation au dipyridamole. La tomographie par émission de positrons (PET-scan) utilise les isotopes de certains éléments comme le carbone, l’azote, l’oxygène ou le fluor qui ont la particularités d’émettre des positrons. Le 13N-ammonium ou le rubidium-82 évaluent la perfusion, et le 18F-déoxyglucose teste le métabolisme [1]. On peut alors suivre ces éléments avec une caméra et obtenir des images de la perfusion (en mL/min) ou du métabolisme glucidique myocardique (moles/gm/min) selon que l’élément reste extracellulaire ou est métabolisé. Ces examens permettent d'évaluer la viabilité myocardique et le degré de réversibilité de l'ischémie en cas de revascularisation.
Imagerie de la perfusion myocardique |
Scan Thallium-dipyridamole : diagnostic des zones d’ischémie active et des zones infarcies, mais coûteux et matériel radio-actif. SPECT et PET-scan : imagerie de la perfusion et du métabolisme myocardique |
© CHASSOT PG, DELABAYS A, SPAHN D, Mars 2010, dernière mise à jour, Août 2019
Références
- BOJAR RM. Diagnostic techniques in cardiac surgery. In: BOJAR RM. Manual of perioperative care in adult cardiac surgery. Hoboken (NJ): John Wiley & Sons, 2011, 87-127
- ETCHELLS E, MEADE M, TOMLINSON G, et al. Semiquantitative dipyridamiole myocardial stress perfusion imaging for cardiac risk assessment before noncardiac vascular surgery: a meta-analysis. J Vasc Surg 2002;36:534-40
- FLEISHER LA, FLEISCHMANN KE, AUERBACH AD, et al. 2014 ACC/AHA Guideline on perioperative cardiovascular evaluation and management of patients undergoing noncardiac surgery: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Practice Guidelines. Circulation 2014; 130:e278-e333
- KERTAI MD, BOERSMA E, BAX JJ, et al. A meta-analysis comparing the prognostic accuracy of six diagnostic tests for predicting perioperative cardiac risk in patients undergoing major vascular surgery. Heart 2003; 89:1327-34
- LANDESBERG G, MOSSERI M, WOLF Y, et al. Preoperative Thallium scanning, selective coronary revascularization, and long-term survival after major vascular surgery. Circulation 2003; 108:177-83