La prise en charge anesthésique est conditionnée par les caractéristiques hémodynamiques propres de la cardiomyopathie restrictive (CMR).
- Pression de remplissage du VG élevée (PAPO ↑);
- Dépendance de la précharge, intolérance à l'hypovolémie;
- Volume systolique fixe;
- Intolérance à la tachycardie et à la bradycardie ;
- Dépendance du rythme sinusal.
La défaillance diastolique de la cardiomyopathie restrictive est très sensible aux modifications des conditions de remplissage cardiaque et des régimes de pression endothoracique parce que la courbe de Frank-Starling est très redressée : de faibles variations de remplissage dues aux modifications de la pression endothoracique se traduisent par de grandes variations de volume systolique (Figure 13.8).
Figure 13.8: Courbe de Starling normale du VG (en vert) et de l’insuffisance diastolique (en bleu). Les variations de volume systolique (ou de débit cardiaque) par augmentation du volume télédiastolique sont importantes lorsque la pente de la courbe est élevée, mais faibles lorsque celle-ci est aplatie. La courbe normale est plate au-delà de son genou (flèche verte) : le remplissage n’augmente plus le débit cardiaque ; seule s’élève la pression de remplissage (Ptd). La courbe de la cardiomyopathie restrictive est très redressée : la dépendance du volume systolique par rapport au remplissage est extrême sur toute la plage de débit cardiaque.
D’autre part, les difficultés du remplissage ventriculaire font qu’un raccourcissement de la diastole ne permet pas un remplissage adéquat, vu la lenteur de ce dernier ; la tachycardie entraîne très rapidement une baisse du débit cardiaque. La bradycardie n’est pas mieux supportée, car le volume télédiastolique n’augmente pas malgré la longueur de la diastole à cause de la non-distensibilité du ventricule ; le débit cardiaque baisse. Vu son manque de distensibilité, le ventricule dépend de la contraction auriculaire pour atteindre son Vtd optimal, mais la contrractilité de l'OG s'amenuise à mesure que celle-ci se dilate, si bien que le remplissage devient de plus en plus difficile.
La ventilation en pression positive (IPPV) est mal tolérée, comme le prouve l'effondrement hémodynamique lors d'une manœuvre de Valsalva (voir Figure 13.6), et ceci pour trois raisons.
- L'ordre de grandeur des ΔPit est identique à celui de la P télédiastolique (Ptd 15-18 mmHg) ; l'effet sera donc bien plus significatif que sur la PA systolique, qui est 6 à 10 fois supérieure.
- La faible compliance cardiaque rend le volume systolique très dépendant des pressions de remplissage et de leurs variations. Comme le ventricule opère sur une courbe de Starling très verticale (Figure 13.8 ci-dessus), les variations ventilatoires du remplissage occasionnent d’amples variations de la PA systolique.
- La Pit agit comme une restriction à la distension diastolique du ventricule : le volume ventriculaire est plus petit pour la même pression de remplissage. La dilatation du VD sur l'accroissement de sa postcharge par l'IPPV fait que le septum interventriculaire bombe dans la cavité gauche ; ces effets seront d'autant plus marqués qu'il existe une anomalie de relaxation.
L’IPPV se traduit par d’amples variations du volume éjecté et de la pressiona artérielle systolique. La relative hypovolémie intrathoracique baisse significativement la pression artérielle.
En conséquence, les recommandations pour l'anesthésie peuvent se formuler comme suit [1].
- Monitorage : cathéter artériel avant l’induction, PiCCO ou cathéter de Swan-Ganz selon le type d’opération.
- Contrôle de la tolérance à l'IPPV par une manœuvre de Valsalva (tenue au moins 20 secondes) avant l'induction, une fois le cathéter artériel en place.
- Maintenir la précharge élevée : toute hypovolémie entraîne une défaillance hémodynamique sévère car le volume systolique est fixe et très dépendant du remplissage ; la tolérance à l’hypovolémie est très réduite.
- Eviter la surcharge liquidienne, car la Ptd du VG est déjà élevée et une faible augmentation supplémentaire de la POG peut conduire à l’oedème pulmonaire.
- Maintenir la fréquence normale (70-80 batt/min) ; la tachycardie comme la bradycardie sont en général mal supportées.
- Maintenir la postcharge normale; comme la fonction systolique est conservée, la vasoconstriction artérielle (phényléphrine, noradrénaline) est un moyen efficace de maintenir la pression artérielle.
- Ventilation protective; maintenir la pression endothoracique moyenne aussi basse que possible pendant la ventilation mécanique (VC bas, fréquence respiratoire élevée, rapport I:E de 1:4).
- La péridurale et les blocs périphériques sont préférables à l’anesthésie générale avec ventilation mécanique, pour autant que l’installation du bloc soit lente et le remplissage adéquat ; la rachianesthésie est déconseillée à cause de la chute trop brusque des conditions de charge.
- Pace-maker endoveineux si bloc AV symptomatique.
Sans être précipitée, l'extubation doit être rapide afin de profiter au plus vite de la respiration spontanée. L'analgésie loco-régionale (péridurale, bloc périphérique avec cathéter) est très profitable à ce moment.
Anesthésie en cas de cardiomyopathie restrictive |
Vu la restriction au remplissage et la rigidité du VG, le volume systolique est fixe. Il faut donc :
- Maintenir la précharge élevée et la volémie normale
- Maintenir la fréquence normale
- Maintenir la PA par vasoconstriction artérielle (fonction systolique préservée)
- IPPV en général mal supportée (test pré-induction par une manœuvre de Valsalva)
- Péridurale avec installation lente du bloc préférable (rachianesthésie déconseillée)
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© CHASSOT PG Septembre 2007 Dernière mise à jour Octobre 2018
Références
- DAVIES MR, COUSINS J. Cardiomyopathy and anaesthesia. Contin Educ Anaesth Crit Care Pain 2009; 9:189-93