8.6.4 Facteurs de coagulation

De nombreux facteurs de coagulation sont disponibles sous forme isolée ou combinée (Tableau 8.10). Leur indication première, admise par les autorités sanitaires dans la plupart des pays, est le traitement des coagulopathies congénitales. Certains ont été approuvés pour renverser l’effet des agents antivitamine K (AVK). Mais leur usage le plus fréquent est lié à leur effet potentiel sur les coagulopathies de consommation rencontrées lors des hémorragies massives. En réalité, cette indication est souvent hors recommandation (off label). La plupart de ces facteurs présente une certaine efficacité pour diminuer les pertes sanguines, mais les grandes études contrôlées, lorsqu’elles existent, tendant à démontrer que cet effet est plutôt modeste, et qu’il s’accompagne d’un certain risque thrombotique, probablement aux environs de 1-3% [11].


 
D’autre part, la valeur-seuil pour l’administration d’un facteur est basée sur la norme d’individus sains. Elle n’a de sens que si le malade saigne; elle peut varier selon le risque hémorragique et le contexte clinique [1]. A l’exception des coagulopathies congénitales identifiées chez des malades déjà substitués, la transfusion prophylactique de facteurs n’est pas recommandée avant la chirurgie.
 
Plasma frais congelé (PFC)
 
Le plasma frais décongelé est une source économique de facteurs de la coagulation et une manière pratique de maintenir le pouvoir oncotique du plasma, bien qu’il faille respecter le groupe ABO. Malheureusement, ses indications ne sont fondées que sur des données dont le degré d’évidence est faible et sur des études, le plus souvent observationnelles, dont la qualité de preuve est modeste [34,39]. Les indications habituellement reconnues sont les suivantes.
 
  • Renversement des AVK chez des patients souffrant d’hémorragie intracrânienne ou de saignement massif lorsque des concentrés de complexe prothrombinique ne sont pas disponibles ; en cas d’AVC hémorragique, la mortalité est significativement réduite (OR 0.29) [27].
  • Composant de la perfusion en cas d’échange plasmatique (purpura thrombocytopénique, par exemple).
  • Remplacement d’une déficience en facteur de coagulation qui n’existe pas sous forme isolée (facteur V ou facteur XII, par exemple).
  • Remplacement d’une déficience de multiples facteurs de coagulation entraînant des pertes sanguines massives, lorsque le dosage des facteurs et leur remplacement ciblé ne sont pas disponibles.
  • Prévention de l’hémodilution chez des patients polytransfusés. Cette attitude n’est recommandée qu’en cas de transfusion massive ; dans cette situation, elle diminue la mortalité (OR 0.38) et l’incidence d’insuffisance multiorganique (OR 0.40) [27]. Aucun argument statistique ne plaide pour ou contre un rapport fixe avec le nombre de poches de sang (1:1 à 1:3), mais ce dernier est un repère pratique dans les situations d’urgence [34].
En-dehors de la transfusion massive, l’administration de PFC lors de chirurgie hémorragique, de chirurgie hépatique ou après CEC n’améliore pas le pronostic, mais tend au contraire à augmenter la mortalité (OR 1.22-3.83) [27,33]. Du fait de leur faible corrélation avec les taux circulants de facteurs de coagulation, les tests préopératoires (TP, INR, aPTT) ont peu de lien avec le risque hémorragique chirurgical. Dès lors, l’indication au PFC basée sur une diminution des valeurs de laboratoire est infondée et n’a pas démontré d’effet significatif sur le saignement peropératoire ni sur le taux de transfusion [21].
 
Vu la faible concentration des facteurs dans le PFC (environ 0.5 g de fibrinogène par flacon), la quantité à perfuser pour réapprovisionner un patient est considérable. La dose standard de 10-15 mL/kg est en général insuffisante, et seule une dose de 30 mL/kg est susceptible de normaliser les taux sériques, au prix d’une augmentation du volume circulant d’environ 2 litres [6]. L’utilisation prophylactique est inefficace pour compenser une coagulopathie de consommation chirurgicale et pour diminuer le nombre de transfusions sanguines, mais présente un risque évident de surcharge de volume et de complications immunologiques [4] (voir Chapitre 28 Transfusion de produits dérivés, PFC). Une fois dégelé, le PFC se conserve encore 24 heures à 4°C; à la température ambiante, il doit être perfusé dans la demi-heure [20].
 
La transfusion de PFC est grevée de quatre complications majeures (voir Chapitre 28 Risques liés aux produits sanguins) [21]. 
 
  • Hypervolémie et insuffisance hémodynamique congestive (TACO, transfusion-associated circulatory overload) due à l’excès de volume transfusé ; son incidence augmente lorsqu’une dysfonction ventriculaire est présente. 
  • Réaction fébrile (fréquente), contamination infectieuse (incidence 0.8‰).
  • Réaction allergique (incidence 1-1.5%) avec urticaire, hypotension et bronchospasme. 
  • Lésions pulmonaires : TRALI (transfusion-related acute lung injury) déclenché par les anticorps liés au plasma des donneurs. Son incidence est proportionnelle à la quantité de plasma administrée; elle varie de 1:2'000 à 1:50 [21]. Quelle que soit son indication, la transfusion de PFC triple le risque de complications pulmonaires (OR 2.92) [27]. Vu le taux élevé d'anticorps anti-HNA et anti-HLA chez les femmes multipares, l'utilisation de sang uniquement mâle pour la préparation du PFC a diminué l'incidence d'allergies et de TRALI.
Il arrive sur le marché de nouvelles préparations de PFC qui présentent certains avantages [39].
 
  • Octaplas® : préparation purifiée à partir de 1'500 donneurs, sans virus ni prions; groupage ABO nécessaire.
  • Uniplas® : variante dans laquelle les anticorps anti-A et anti-B sont extraits ; pas de groupage ABO.
  • LyoPlas® : plasma lyophilisé provenant d’un seul donneur, sans cellules sanguines, dont les agents pathogènes et les virus sont détruits par irradiation ultraviolette ; avantage : conservation à température ambiante pour 15 mois.
En résumé, les indications admises pour le PFC sont les transfusions massives, la non-disponibilité de facteurs de coagulation isolés et l’échange plasmatique [34]. Dans les autres situations, les risques ont une forte probabilité de surpasser les bénéfices escomptés.

Fibrinogène
 
Le fibrinogène (facteur I) est une glycoprotéine de grande taille (340 kDa) qui circule sous forme soluble à un taux de 2-4 g/L ; ce taux augmente jusqu’à 6 g/L lors de traumatisme ou d’intervention chirurgicale. En l’absence de consommation, le fibrinogène a une demi-vie de 100 heures. Il a trois actions principales [26].
 
  • Sous sa forme soluble, il sert de liant entre les plaquettes par sa liaison avec les récepteurs GP IIb/IIIa de ces dernières.
  • Lorsqu’il est clivé par la thrombine (facteur IIa), il est converti en monomères de fibrine, qui polymérisent pour former un réseau ferme et insoluble ; la fermeté visco-élastique du thrombus est directement corrélée au taux de la substance : elle est maximale pour un taux de 3.6 g/L [29]. Le réseau de fibrine ne devient solidement et irréversiblement interconnecté que lorsque le Facteur XIII s’y est lié de manière covalente (Figure 8.5).
  • Il fonctionne comme inhibiteur de la coagulation par son action antithrombine I.
Le fibrinogène est le premier élément dont le taux s’abaisse en cas de pertes sanguines : il atteint le niveau critique de 1.5 g/L lorsque la perte de volume circulant est de 50% [15]. Son rôle-clef dans la coagulation fait que son administration dès le début de l’hémorragie à raison de 2-8 gm améliore la fermeté du caillot et diminue significativement les pertes sanguines et les transfusions. Plusieurs études randomisées démontrent une nette réduction dans les besoins en poches de sang allologue, en plaquettes et en plasma chez les patients qui ont reçu du fibrinogène [19,29]. L'essai ZEPLAST dans la chirurgie cardiaque complexe montre que la supplémentation en fibribogène réduit les hémorragies et les transfusions postopératoires comparé à l'administration de PFC [32]. Toutefois, certains travaux ne notent pas de gain dans les transfusions mais révèlent une amélioration dans la fermeté du caillot mesurée au ROTEM™ (FIBTEM: MCF 14 mm) (voir Tests peropératoires) [7,31]. D'autres enfin ne trouvent aucun bénéfice à la perfusion de fibrinogène, que ce soit à dose fixe [16] ou en fonction de la perte de sang [28]. Le taux de 2 g/L semble être la limite en-dessous de laquelle l’hémostase est altérée, mais il n’existe pas de seuil réel car le taux de saignement augmente linéairement et de manière continue avec la baisse du taux de fibrinogène préopératoire [18]. De ce fait, les recommandations actuelles ont relevé la valeur du fibrinogène souhaitable en cas d’hémorragie aiguë et considèrent comme hypofibrinogénémie un taux < 2 g/L [2,35]. L’administration de 3 gm de fibrinogène à un patient de 70 kg augmente son taux plasmatique d’environ 1 g/L [26]. La gestion la plus précise consiste à se baser sur les résultats du FIBTEM : 25-50 mg/kg sont nécessaires pour maintenir la FMC > 10 mm [40]. Par contre, la question de l’administration prophylactique de fibrinogène avant ou après la CEC chez les patients de chirurgie cardiaque dont le taux est < 2.5 g/L reste pour l’instant ouverte, d’autant plus que le dosage du fibrinogène par la méthode classique de Clauss est assez imprécis.
 
Le remplacement du fibrinogène peut avoir lieu de trois manières différentes [26].
 
  • Le plasma frais décongelé (PFC) contient environ 2 g/L (0.4 g/U) de fibrinogène, ce qui oblige à donner de grande quantité de plasma (30 mL/kg), avec un risque de surcharge volémique, de réaction immunologique et de contamination virale ou bactérienne.
  • Le cryoprécipité est un concentré de plasma humain, dont une unité contient 388 mg de fibrinogène ; les risques de contaminations et de réactions immunologiques l’ont fait retirer d’une majeure partie du marché européen.
  • Le fibrinogène lyophilisé et pasteurisé ne présente pas ces risques ; la poudre (1 g/U) une fois diluée, la concentration du produit s’élève jusqu’à 20 g/L, ce qui évite la surcharge liquidienne. C’est la forme la plus adéquate, sauf que son coût est d’environ 200 € pour 1 gm.
Bien que la normofibrinogénémie soit un facteur clef du tarrissement hémorragique en chirurgie cardiaque, la supplémentation en fibrinogène ne corrige pas les défauts qui ne sont pas liés à la genèse de la fibrine, comme par exemple le manque de thrombine ou la dysfonction plaquettaire.
 
 
 Facteurs de coagulation (I)
Plasma frais congelé (PFC). Indications : 
    - Hémorragie intracrânienne sur AVK
    - Plasmaphérèse
    - Hémorragie massive
    - Non-disponibilité de facteurs de coagulation isolés
Dans les autres situations, les risques (surcharge hémodynamique, complication pulmonaire, réaction allergique) ont une forte probabilité de surpasser les bénéfices escomptés
 
Fibrinogène : 
    - Indiqué en cas d’hémorragie lorsque son taux est < 2 g/L (administration prophylactique
      inefficace)
    - Dosage : 25-50 mg/kg (3 gm nécessaires pour augmenter le taux sérique de 1 g/L)
    - Administration : préparation lyophilisée
    - PFC : contient seulement 2 g/L (0.4 - 0.5 g/U)
 

Concentrés de complexe prothrombinique
 
Les concentrés lyophilisés de complexe prothrombinique, ou PCC (Prothrombin complex concentrates, anciennement PPSB), comprennent les facteurs dépendants de la vitamine K. Ils peuvent se diviser en 3 catégories [11,37].
 
  • Concentrés de 3 facteurs : facteurs II, IX, X (Prothromplex HT®) ; utilisés essentiellement en Amérique du Nord pour antagoniser les AVK.
  • Concentrés de 4 facteurs : facteurs II, VII, IX, X (Prothromplex T®, Kanokad®, Kaskadil®, Cofact®, Beriplex®, Octaplex®) ; dosage : 20-25 UI/kg en cas d’hémorragie persistante, 30-50 UI/kg en cas de saignement intracrânien sur AVK.
  • Concentrés activés : facteurs II, VII, IX, X, dont une partie sous forme activée (FEIBA®, Factor eight inhibitor bypassing activity, Autoplex-T®) ; dosage : 50-100 UI/kg. Risque significatif de thrombose vasculaire.
La concentration de chaque facteur est très variable selon les préparations. Certaines contiennent également de l’antithrombine III et/ou des protéines C et S. La concentration des facteurs y est 25 fois plus élevée que celle du plasma. Les unités (UI) correspondent aux unités de facteur IX contenu dans la préparation (Tableau 8.10) [9]. 
 
 
 
Leurs indications sont premièrement la prévention ou le traitement de l’hémorragie chez les hémophiles A et B et le renversement des AVK en cas de saignement aigu, notamment intracrânien. La consommation de facteurs par une hémorragie massive nécessite leur remplacement lorsque la perte excède 200-250% du volume sanguin [1]. Les concentrés de 4 facteurs pourraient être un antidote partiel aux agents anti-Xa (rivaroxaban, apixaban), mais non aux agents anti-thrombine (dabigatran) (voir Antagonisme) [10,14,23]. Les concentrés activés (FEIBA®) n’ont de sens qu’en présence d’une inhibition des facteurs VIII et IX [12], mais ils pourraient être actifs comme antagonisme du dabigatran [10]. Les PCC ne sont pleinement actifs que si la température, la calcémie et l’équilibre acido-basique sont optimaux. Comme la demi-vie des facteurs qu'ils contiennent est plus longue que celle des nouveaux anticoagulants oraux, il existe un risque de thrombose important; il est donc recommandé de placer les patients sous une dose prophylactique basse d’héparine. L'administration concommittante de vitamine K (Konakion®) est essentielle lorsque l'hémorragie est due à un AVK [10]. Par rapport au PFC, les PCC ne présentent pas de risque infectieux; ils ne nécessitent pas de groupage sanguin et fournissent rapidement et sans surcharge hémodynamique les facteurs requis de manière aiguë. Par contre, ils font courir un risque thromboembolique, particulièrement sous leur forme activée (FEIBA®) avec laquelle l'incidence de thrombose vasculaire peut s'élever jusqu'à 10% [38]. En chirurgie cardiaque, les PCC sont plus efficaces que le PFC pour réduire le taux de transfusion (OR 2.4) et d'hémorragie réfractaire (OR 1.51) [9]. Ils diminuent davantage les pertes sanguines et les transfusions plaquettaires que le rFVIIa [13]. Toutefois, les données actuelles sont insuffisantes pour recommander l'utilisation de routine des PCC en lieu et place du PFC, notamment à cause du risque d'hypercoagulabilité et de thrombose vasculaire [30].
 
Facteur VII activé
 
Le facteur VIIa recombinant (rFVIIa, NovoSeven®) est le moyen le plus rapide et le plus efficace de générer de la thrombine si le taux de prothrombine est conservé. Il agit sur la coagulation par deux mécanismes différents court-circuitant les facteurs VIII et IX (voir Figure 8.1).
 
  • Formation de complexe avec le facteur tissulaire (FT) libéré au niveau des lésions vasculaires ; le complexe FT-rFVIIa active la cascade coagulatoire par stimulation du facteur X en Xa et provoque une production massive de thrombine (voie extrinsèque) ;
  • Liaison aux plaquettes, qui activent la transformation du facteur X en Xa.
Le rFVIIa est indiqué dans l’hémophilie congénitale A et B, dans la thrombasthénie de Glanzmann, et en cas de déficience en facteur VII. Il est possible que le rFVIIa puisse être un antagoniste partiel des agents anti-thrombine (dabigatran) ou anti-Xa (rivaroxaban), mais il a une demi-vie brève et ne restaure pas les facteurs IX et X, ni le facteur II (prothrombine), qui ne sont présents que dans le PCC ou le PFC (voir Tableau 8.10) [10]. Le dosage recommandé est de 90 mcg/kg (au prix courant de 1.5 dollars US par mcg), à répéter après 2 heures. Un suivi de laboratoire est possible en mesurant le TP et le TC/TFC du thromboélastogramme. En-dehors de ces indications reconnues, l’utilisation du rFVIIa s’est rapidement répandue dans des domaines variés ne répondant pas aux indications recommandées (off-label use), mais entraînant parfois des saignements difificiles à juguler : chirurgie cardiaque, polytraumatisme, transplantation hépatique, hémorragie intracrânienne sous AVK, etc. Une pléthore de publications a déferlé dans la littérature, rapportant les succès potentiels de ces nouvelles applications. Toutefois, aucune donnée issue d’essais contrôlés ne met en évidence un gain significatif sur la mortalité dans ces indications hors recommandations [41]. De toute manière, la substance ne peut être efficace que si quatre éléments sont contrôlés [17].
 
  • Taux de plaquettes > 70’000/mcL ;
  • Calcémie > 1 mmol/L ;
  • Fibrinogénémie ≥ 2 g/L ;
  • Hémoglobine ≥ 80 g/L.
Une dose supraphysiologique de rFVIIa peut induire une thrombose intravasculaire disséminée [3]. Le taux de thromboses artérielles sur rFVIIa est d’environ 2%, mais une méta-analyse a mis en évidence une incidence d’évènements thrombo-emboliques jusqu'à 24% et un accroissement des AVC en chirurgie cardiaque, alors que l’efficacité de la substance pour réduire la mortalité n’est pas prouvée [24,25]. Le risque d'insuffisance rénale aiguë est plus important qu'avec les PCC [13]. 
 
En l’absence de grande étude contrôlée et randomisée, l’utilisation du rFVIIa en-dehors du syndrome hémophiliaque reste du domaine off-label de la substance et doit faire l’objet d’un jugement clinique au cas par cas en fonction de la balance entre les risques et les bénéfices. Elle est une mesure de sauvetage en dernier recours lors d’hémorragie incontrôlable malgré l’utilisation de tous les moyens hémostatiques, inclus la chirurgie, l'endoscopie et la radiologie interventionnelle, mais elle n’est en aucun cas une mesure prophylactique, d’autant plus que son coût est prohibitif (environ 1'000 € pour une dose) [36].
 
Facteur XIII
 
Le facteur XIII est responsable de la solidité du réseau des polymères de fibrine et a des propriétés anti-fibrinolytiques. En chirurgie cardiaque, l’administration de FXIII (Fibrogammin P® 10-30 UI/kg) après la protamine permet une réduction des pertes sanguines postopératoires, mais son utilité clinique n’a été que partiellement investiguée jusqu’ici [36]. Il ne semble efficace que chez les patients dont le taux de facteur XIII est abaissé (fermeté maximale du caillot diminuée au thromboélastogramme), ce qui survient fréquemment lors de pertes sanguines importantes ou de larges plaies (brûlures, chirurgie de la colonne, chirurgie hépatique) [8]. Comme dans le cas précédent, il ne se justifie que lorsque les autres traitements ont échoué à tarir l’hémorragie. 
 
Un déséquilibre entre la thrombine et le facteur XIII est typique de l’activation de la coagulation avec abaissement des réserves en FXIII. Il se caractérise par la présence de monomères de fibrine dans la circulation ; ces derniers sont dosables en laboratoire. Ainsi, mettre en évidence des monomères de fibrine permet de prédire un défaut d’hémostase par manque de facteur XIII ; le TP et l’aPTT ne sont pas modifiés par le manque de Facteur XIII. La substitution de ce dernier (10-20 UI/kg, 750-1'500 UI pour un adulte) rétablit la FMC sur le thromboélastogramme et réduit les pertes sanguines [22].
 
Facteur von Willebrand
 
Le facteur von Willebrand (FvW) a trois effets principaux : d’un côté, il interagit avec le récepteur GP Ib/V/IX des plaquettes et de l’autre il se lie au collagène du sous-endothélium ; d’autre part, il maintient en solution le Facteur VIII. Il ancre donc les plaquettes à la paroi vasculaire lésée. Il peut manquer à cause d’une déficience congénitale ou acquise (néoplasies, sténose aortique sévère) (voir Chapitre 21, Maladies hématologiques). La substitution par 1 UI/kg (Haemate®, Wilate®) augmente le taux d’environ 2%. Il est recommandé d’administrer 30 UI/kg en préopératoire, 20-30 UI/kg en cours de chirurgie, et 20-30 UI/kg 3 x/j pendant 5 jours. La demi-vie du produit est de 14-17 heures. Le taux requis pour une hémostase normale est > 80% du taux normal. Dans le cas particulier de la sténose aortique sévère, la maladie de von Willebrand acquise touche plus de 25% des patients avec une vavulopathie de type rhumatismal, alors que sa prévalence est de 1% dans la population générale. Cependant, ces malades ne présentent pas de risque hémorragique accru lors du remplacement valvulaire en CEC. D’autre part, le RVA rétablit l’intégralité fonctionnelle du FvW et supprime les symptômes hémorragiques spontanés [5].
 
 
 Facteurs de coagulation (II)
Concentrés de complexe prothrombinique (PCC) : contient les facteurs vitamine-K dépendants (II, VII, IX, X) en concentrations variables selon les produits. Indications :
    - Hémophilie A et B
    - Hémorragie intracrânienne sur AVK
    - Remplacement des facteurs II, VII, IX, X lors d’hémorragie massive (si possible objectivé
      par des tests spécifiques)
    - Possibles antagonistes des agents anti-Xa (?)
 
Facteur VII activé (rFVIIa, NovoSeven®). Vu son coût et ses risques élevés de thrombose, le rFVIIa n’est indiqué que comme mesure de sauvetage en cas d’hémorragie massive, une fois que les éléments suivants ont été contrôlés : plaquettes > 70’000/mcL, calcémie > 1 mmol/L, fibrinogènémie ≥ 2 g/L, Hb ≥ 80 g/L.
    - Indication formelle : hémophilie A et B, thrombasthénie de Glanzman
    - Possible antagoniste des agents anti-thrombine ou anti-Xa (?) 
    - Indication hors recommandations : sauvetage en cas d’hémorragie massive, après échec des
      autres mesures
    - Dosage : 90 mcg/kg, à répéter après 2 heures
    
Facteur XIII : la présence de monomères de fibrine au cours d’hémorragie massive indique un défaut en facteur XIII. Mesure de sauvetage en cas d’échec des autres thérapies.


© CHASSOT PG, MARCUCCI C, Décembre 2013, dernière mise à jour, Novembre 2018
 
 
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