15.3.9 Tétralogie de Fallot

La correction précoce de la tétralogie de Fallot (TdF) pendant la première année de vie permet une survie de 80% à 30 ans, ce qui la rend la troisième affection congénitale la plus fréquemment rencontrée chez l'adulte (9% des cas) et la cause la plus fréquente de cyanose [25]. Son origine est le sous-développement de l'infundibulum droit; la bande pariétale embryonnaire est mal alignée et déviée, résultant en une obstruction de la chambre de chasse droite et en une large CIV sous-aortique [14,26]. La malformation associe quatre anomalies (Figure 15.38, Figure 15.39 et Figure 15.40) (Vidéos).  
 
  • Une CIV sous-aortique (septum membraneux);
  • Une aorte à cheval sur les deux ventricules;
  • Une sténose composite de la chambre de chasse droite, de la valve pulmonaire et de l'AP;
  • Une hypertrophie concentrique du VD.


    Vidéo: CIV membraneuse en position sous-aortique dans un cas de tétralogie de Fallot.


    Vidéo: Vue long-axe de l'aorte à cheval sur la CIV membraneuse dans une tétralogie de Fallot; le VD est sévèrement hypertrophié.


    Vidéo: Vue long-axe 100° de la voie d'éjection droite; la CCVD est hypertrophiée et sténosante, la valve et l'artère pulmonaires sont hypoplasiques.
     


Figure 15.38 : Schéma de tétralogie de Fallot, qui comprend 4 anomalies : la valve aortique est à cheval (1) sur une large CIV périmembraneuse (2), la valve et l'artère pulmonaire sont sténosées (3) et  le VD est hypertrophié (4). L’aorte reçoit un mélange de sang artérialisé du VG et de sang veineux en provenance du VD à travers la CIV.
 

Figure 15.39 : Images échocardiographiques transoesophagiennes d’une tétralogie de Fallot. A: vue 5-cavités à 0° de l'aorte s'ouvrant à cheval sur les deux ventricules ; la flèche indique la CIV; la valve aortique reçoit du sang du VG et du VD; ce dernier est hypertrophié. B : vue long-axe à 120° de la racine aortique ; la valve surplombe la CIV (flèche) ; la paroi du VD mesure > 1.2 cm d’épaisseur et ses trabéculations sont hypertrophiées.
 
    

Figure 15.40 : Images ETO long-axe 100-120° d’une tétralogie de Fallot. A: sténose musculaire pulmonaire dans la chambre de chasse droite ; diamètre 0.44 cm (flèche) ; la valve et l’artère pulmonaires sont hypoplasique. B : atrésie de la valve pulmonaire, qui ne présente qu’un orifice minuscule (flèche) suivi d’une artère pulmonaire hypoplasique et tubulaire. 
 
La sténose pulmonaire comporte trois composantes, qui ont chacune une importance variable selon les cas [25].
 
  • Rétrécissement de la chambre de chasse droite (CCVD) de nature dynamique, puisque cette partie est entièrement musculaire (Vidéo); elle est une composante de l'hypertrophie ventriculaire droite. Toute augmentation de la contractilité ou baisse de la précharge diminue le diamètre de la CCVD, accentue la sténose et freine le flux pulmonaire. La stimulation sympathique aggrave la cyanose, raison pour laquelle ces malades sont souvent béta–bloqués. On peut parfois rencontrer une membrane dans la CCVD.
  • Valve pulmonaire petite et restrictive, parfois bicuspide ou monocuspide, imposant une sténose fixe (ΔP 50-65 mmHg).
  • Hypoplasie du tronc de l'artère pulmonaire.


    Vidéo: Vue long-axe 100° de la voie d'éjection droite; la CCVD est hypertrophiée et sa lumière minime au flux couleur; la valve et l'artère pulmonaires sont hypoplasiques.
Les patients sont cyanosés parce que le flux pulmonaire est limité par la sténose; la majeure partie du sang éjecté par le VD va dans l'aorte à travers la CIV, où il se mélange au sang artérialisé du VG. La sténose pulmonaire protège les poumons d'une hypertension. Si les résistances vasculaires systémiques (RAS) augmentent, la proportion de sang artérialisé reçu par l'aorte augmente, parce que la composante D-G du shunt diminue; c'est le mécanisme utilisé dans la position accroupie (squatting) [25]. Comme il est soumis à la pression systémique, le VD est hypertrophié, mais il dysfonctionne progressivement et, sans correction, finit par défaillir. La valve aortique est compétente chez l'enfant, mais elle se dilate peu à peu avec les années, si bien qu'une insuffisance aortique (degré I-II) est présente chez 75% des adultes (Figure 15.41) (Vidéo) [15]. 


Vidéo: Insuffisance aortique dans une tétralogie de Fallot chez un jeune adulte.
 

Figure 15.41 : Image ETO de tétralogie de Fallot. Présence d'une insuffisance aortique (jet coloré) à cheval sur la CIV chez un malade adulte non opéré.
 
Il arrive qu'une CIA compète les lésions; on parle alors de pentalogie. Plusieurs lésions peuvent être associées à la TdF, comme un arc aortique droit ou des anomalies coronaires (10% des cas) [20]. Les arythmies sont fréquentes: tachycardie auriculaire (30% des cas), tachy-arythmie ventriculaire  liée au degré de dilatation du VD (10% des cas); le taux de mort subite est de 0.2% par an [27].
 
Les malades sont cyanosés et présentent des doigts en baguette de tambour. On ausculte un souffle systolique 3/6 accompagné d'un thrill systolique au bord sternal gauche vers le 2ème ou 3ème espace intercostal; un souffle méso-diastolique de fréquence moyenne au même endroit est typique d'une insuffisance pulmonaire. Les patients non opérés ont un taux de survie de 30% à 10 ans, mais de moins de 3% au-delà de 40 ans [2]. Leur existence dépend de la vicariance du flux pulmonaire par les collatérales issues des artères bronchiques; il arrive parfois que ces dernières maintiennent un débit pulmonaire suffisant pour atteindre l'âge adulte sans cyanose (Figure 15.42). Dans ce cas, la pression diastolique systémique est basse, car le sang de l'aorte thoracique s'échappe dans le circuit pulmonaire à basse pression en diastole. Malheureusement, cette situation reste précaire car le VG doit fournir simultanément le débit systémique et le débit pulmonaire, ce qui entraine sa défaillance progressive.
 
     

Figure 15.42 :  Flux collatéral dans une tétralogie de Fallot. Le flux est visible entre une grosse collatérale issue de l'aorte descendante et une branche de l'artère pulmonaire (AP). Le flux est continu systolo-diastolique, puisque la pression systémique est constamment plus élevée que la pression pulmonaire. En nombre suffisant, ces collatérales peuvent assurer un débit pulmonaire normal au repos. 
 
Il existe un éventail de lésions voisines de celle de la tétralogie. On rencontre un certain degré de sténose pulmonaire chez 10% de tous les congénitaux (voir Sténose pulmonaire) [13]. Leur anatomie est voisine de celle d'un Fallot, mais sans CIV ni déplacement de l'aorte; ils ne sont pas cyanosés au repos. On parle parfois dans ces cas de Fallot rose. 
 
L'image échocardiographique est caractéristique [3,16]. La valve aortique est très grande et surplombe une CIV, ce qui l'ouvre sur les deux ventricules (Vidéo Fallot CIV). Le sang s'écoule dans l'aorte depuis le VG et le VD, sans qu'il y ait de vrai shunt entre les deux ventricules. Un flux étroit et très accéléré est repérable dans la CCVD, dont la musculature est hypertrophiée (Vidéo Fallot St pulm coul). La sténose pulmonaire peut aussi consister en une membrane sous-pulmonaire et/ou une hypoplasie de la valve pulmonaire qui peut être bicuspide; l'arbre pulmonaire est plus ou moins hypoplasique (Vidéo Fallot st pulm). Habituellement, la vélocité pulmonaire maximale (environ 3-4 m/s, correspondant à un gradient de pression de 35-65 mmHg) affiche un pic protosystolique en cas de sténose fibrotique, mais un pic télésystolique en cas de sténose musculaire dynamique. Les collatérales aorto-pulmonaires apparaissent sous forme de flux systolo-diastoliques continus et turbulents situés dans le médiastin postérieur (Vmax 2-3 m/s); il arrive qu'on puisse les suivre entre l'aorte et une artère pulmonaire (Vidéo).


Vidéo: Collatérale aorto-pulmonaire dans le médiastin postérieur; le flux est continu systolo-diastolique.
 
Chirurgie
 
Dans les années soixante-dix, il était habituel d'opérer les malades en deux temps. On procédait d'abord à un shunt G→D pour augmenter le flux pulmonaire : shunt de Blalock-Taussig (artère sous-clavière → artère pulmonaire droite ou gauche), shunt de Potts (aorte descendante → AP gauche) ou shunt de Watterston (aorte ascendante → AP droite); la taille du shunt réglait son débit; la saturation obtenue est de 80-85%. Cette première intervention était suivie d’une correction totale entre 5 et 10 ans. Malheureusement, cette stratégie maintenait une hypoxie et une surcharge de pression sur le VD pendant trop d'années; elle occasionnait aussi une déformation des artères pulmonaires. 
 
Actuellement, on procède à une correction totale dans la petite enfance (entre 3 et 18 mois), ce qui supprime la cyanose, normalise le flux pulmonaire et favorise la croissance de l'arbre vasculaire des poumons [7,19]. L'opération consiste à occlure la CIV par un patch ou par une fermeture directe avec réalignement du septum, et à élargir la chambre de chasse droite et la valve pulmonaire, avec ou sans patch; on peut aussi intercaler un conduit valvé entre le VD et l'AP (Figure 15.43).
 

Figure 15.43 : Correction chirurgicale d’une tétralogie de Fallot. Le patch de la CIV divise les flux en dirigeant le sang veineux systémique vers l’AP et le sang artérialisé vers l’aorte ; un patch d’élargissement lève la sténose pulmonaire et sous-pulmonaire. La flèche indique la possibilité d’un conduit valvé entre le VD et l’AP lorsque le patch n’est pas réalisable.
 
L'élargissement de la CCVD comporte le risque d'une insuffisance pulmonaire s'il est trop généreux ou d’une sténose persistante s’il est trop restrictif; la correction est donc un compromis entre une régurgitation minime et le plus petit gradient résiduel; le gradient maximal accepté est de 20-30 mmHg [30]. Un flux de > 3 m/s ou un gradient de > 40 mmHg sont considérés comme excessifs. Lors de résection d'une hypertrophie dynamique de la chambre de chasse, il se peut que le gradient résiduel soit fonctionnel et non anatomique; il se réduit par baisse du tonus sympathique et élévation des conditions de charge. La mortalité opératoire de la correction totale en bas âge est < 2% et la survie est de ≥ 92% à 30 ans [8,18,27]. La plupart des enfants opérés à 3-12 mois a besoin d’une deuxième intervention en raison d’une insuffisance ou d’une sténose pulmonaire, ou pour placer un conduit plus large, alors que seuls 10-15% des cas opérés à l’âge adulte requièrent une réopération ultérieure [21].
 
La correction peut laisser des séquelles majeures [12].
 
  • Arythmies: bloc de branche droit ou bloc bifasciculaire (50% des cas), extrasystolie ventriculaire, FA, mort subite (40% des causes de décès à long terme). Pour réduire le risque d'arythmie, on pratique de préférence des voies d'abord transatriale ou transpulmonaire, en évitant les incisions de la paroi du ventricule ou de la CCVD [23]. Les arythmies sont directement liées au degree de dilatation du VD.
  • CIV résiduelle (10-20%).
  • Insuffisance de la valve pulmonaire (IP) avec dilatation du VD.
  • Sténose résiduelle du conduit pulmonaire ou de la CCVD.
  • Sténose résiduelle sur les artères pulmonaires périphériques.
  • Dilatation de la racine aortique (≥ 60 mm) et insuffisance de la valve aortique. 
Le degré de l'IP postopératoire est un facteur pronostique important pour la fonction ventriculaire droite ultérieure. L’IP est en général bien tolérée, mais lorsqu’elle est importante (degré III-IV), le VD se dilate massivement et dysfonctionne (Vidéo et Figure 15.44); il s'installe une insuffisance tricuspidienne majeure et un risque important de tachyarythmie. La valve pulmonaire doit être remplacée assez tôt pour éviter les complications droites [6,22].


Vidéo: Hypertrophie dilatative du VD (vue 4-cavités) dans un cas de Fallot opéré dans l'enfance et souffrant d'une insuffisance pulmonaire sévère à l'âge adulte.
 
     

Figure 15.44 : Insuffisance pulmonaire massive plusieurs années après une correction de tétralogie de Fallot. A : vue long-axe de la chambre de chasse droite (CCVD) et de la racine de l’artère pulmonaire (AP). La valve pulmonaire est inexistante, le reflux diastolique occupe tout le diamètre du conduit et ne présente pas de turbulence car les pressions s’égalisent de suite entre l’AP et le VD en diastole. B : flux dans la racine de l’AP ; le reflux diastolique est massif (flèche). La surface sous la courbe et l’intégrale des vélocités (ITV) de la composante diastolique sont plus grandes que celles de la composante systolique ; toutefois, le volume systolique est le produit de l’ITV et de la surface de section du vaisseau ; comme l’AP est dilatée en systole et diminue de taille en diastole à cause de sa pulsatilité, ce produit reste plus grand en systole qu’en diastole [5]. 
 
La correction chirurgicale ne permet plus une récupération fonctionnelle adéquate du VD lorsque sa taille est > 150 mL/m2 [28]. Lors de sténose résiduelle de la CCVD, le VD est soumis à une surcharge de pression; un rapport de pression VD/VG > 0.6 est mal toléré à long terme et le ventricule défaille (Vidéo et Figure 15.45). 


Vidéo: Défaillance et hypertrophie du VD dans un cas de Fallot opéré dans l'enfance et souffrant de sténose pulmonaire résiduelle à l'âge adulte (vue admission-chasse du VD 80°).
 

Figure 15.45 : Sténose pulmonaire après correction chirurgicale de TdF. Dix-huit ans après l'opération, le VD (au centre de l'image) est hypertrophié et dilaté à cause de la sténose résiduelle de la valve pulmonaire. Le flux est accéléré et turbulent à travers un orifice pulmonaire extrêment réduit. Le patch de la CIV est visible en dessous de la valve aortique, entre la CCVG et la CCVD. 
 
L’IP et la sténose pulmonaire sont la principale cause de réopération des Fallot à l’âge adulte (15-40% des cas à 20-30 ans) [21]. En cas d’IP, une intervention est indiquée si le VD est dilaté (Vtd ≥ 150 mL/m2), insuffisant ou arythmique (QRS ≥ 180 ms) [25]. En cas de sténose, l’indication opératoire est un gradient maximal ≥ 50 mmHg et/ou un rapport de pression VD/VG ≥ 0.7 [4,29]. Dans les deux cas, la présence d'une insuffisance tricuspidienne modérée à sévère est une indication opératoire [27]. Une réopération pour mise en place d'un conduit valvé entre le VD et l'AP est en général nécessaire; elle protège le ventricule droit et freine l'apparition des arythmies, mais elle ne permet pas une récupération fonctionnelle complète du VD [1,9,24]. Or la dysfonction droite est le prédicteur majeur de la survie de ces patients, d'autant plus que l’incidence et la gravité des arythmies lui sont directement liées. La dysfonction droite et la correction incomplète ou tardive sont les principaux facteurs favorisant les arythmies et les morts subites (incidence : 2%/10 ans) [11]. La dysfonction du VG est proportionnelle au délai jusqu’à la correction totale, à l’importance de la cyanose et à la durée pendant laquelle le flux pulmonaire était assuré par un shunt palliatif (Blalock, Potts, etc). Après correction d'une sténose, le risque est un syndrome de reperfusion pulmonaire caractérisé par un œdème aigu et SDRA massif [25]. Les progrès réalisés avec les valves implantables par cathétérisme (Melody™, SAPIEN™) offrent une piste moins invasive pour le remplacement de la valve pulmonaire, pour autant qu'il existe un support assez ferme dans lequel ancrer la prothèse, comme un précédent conduit valvé [17,27]. La mortalité après remplacement de la valve pulmonaire est de 2% à 5 ans et le risque de reprise de 5% [25].
 
Le traitement pharmacologique des arythmies étant peu efficace, les malades subissent souvent une implantation de défibrillateur intracavitaire, une thermo-ablation par cathétérisme ou une opération de maze [27].
 
Anesthésie en cas de TdF non-corrigée
 
Lorsque la malformation n'est pas corrigée, les conditions hémodynamiques sont très contraignantes. Le but est double: diminuer le shunt et augmenter le débit pulmonaire (Tableau 15.4) [25]. 

 
  • Augmenter les résistances artérielles systémiques: ceci diminue le shunt D-G cyanogène, mais au prix d'une baisse de la perfusion systémique si la vasoconstriction est intense. D'autre part, une hypertension artérielle augmente la postcharge du VG et du VD, ce dernier étant déjà en difficulté car soumis à une pression d'éjection systémique. La SpO2 est un monitorage efficace et immédiat de l'importance du shunt (Figure 15.46).

     

Figure 15.46 : Shunt droit → gauche. Il augmente lorsque les RAS baissent, ce qui diminue le flux artériel pulmonaire (Qp). Le shunt diminue si les RAS augmentent et si les RAP baissent ; de ce fait, le flux pulmonaire augmente et la SaO2 s’améliore.
 
  • Augmenter le flux pulmonaire: en cas d'obstruction fixe, la vasoconstriction artérielle (stimulants alpha) est indiquée, mais lorsque l'obstruction est dynamique, le béta-blocage est nécessaire pour relâcher la musculature de la CCVD; les béta-stimulants sont alors contre-indiqués.
  • Maintenir la normovolémie; en cas d'hypovolémie, la composante D-G du shunt augmente, comme lors d'une baisse de pression systémique. 
  • Limiter les éléments qui augmentent les RAP et augmentent la composante D-G du shunt (hypoxie, hypercapnie, stress, douleur); assurer une hyperventilation et une sédation (midazolam, dexmédétomidine).
  • L'ALR rachidienne baisse la précharge et les RAS, ce qui est doublement pénalisant. Seule la péridurale avec une installation très lente du bloc et un contrôle strict de l'hémodynamique est adéquate.
En présence d'une simple palliation par un shunt systémique → pulmonaire, la perfusion pulmonaire n'est assurée que si la pression systémique est satisfaisante. Toute vasodilatation artérielle diminue le débit du shunt, donc le flux pulmonaire; la cyanose augmente. De plus, l’hypotension fait courir un risque d’ischémie coronarienne. Ces patients bénéficient donc également d’une augmentation des RAS (Figure 15.47). La pression artérielle diastolique est chroniquement abaissée lorsque le shunt débite de manière satisfaisante, parce que la pression dans l'arbre pulmonaire est très basse. Comme c'est le VG qui doit assurer la perfusion systémique et pulmonaire, il travaille en surcharge de volume et à la limite de la défaillance. Il en est de même chez les patients qui ont survécu jusqu'à l'âge adulte grâce à un réseau très développé de collatérales reliant l'aorte thoracique à l'arbre pulmonaire. 
 

     

Figure 15.47: Shunt correctif gauche → droit pour augmenter le débit pulmonaire (Qp) lors de sténose pulmonaire. Son débit diminue lorsque les RAS baissent et augmente avec celles-ci.
 
Anesthésie en cas de TdF corrigée
 
La fonction des deux ventricules est d'autant mieux conservée que la correction a eu lieu plus tôt, mais les arythmies sont fréquentes dans tous les cas [10].
 
  • Ventricule droit: en cas d'insuffisance pulmonaire à travers la zone patchée, le VD dilate et défaille sur une surcharge de volume. Il faut donc éviter tout ce qui augmente sa postcharge et provoquer une vasodilatation pulmonaire (hyperventilation normobarique, prostaglandine, alcalose, etc). En cas de surcharge de pression (PVD / PVG > 0.5), le risque d'ischémie sous-endocardique du VD demande le maintien d'une pression de perfusion coronarienne adéquate et d'une fréquence cardiaque normale. Dans les deux cas, un vasopresseur (noradrénaline) et un soutien inotrope (dobutamine, milrinone) sont le plus souvent nécessaires.
  • Ventricule gauche: sa surcharge est fonction des collatérales qui alimentent le réseau pulmonaire.
  • Arythmies: blocs de branche (le plus souvent droit) dans 50% des cas, tachycardie auriculaire (30% des cas) tachyarythmie ventriculaire dans 10% des cas. Un pace-maker prophylactique peut être indiqué.
  • Mesure de la pression artérielle au bras opposé au côté du shunt palliatif.
             
Tétralogie de Fallot (TdF)
Caractéristiques :
    - CIV sous-aortique (septum membraneux) 
    - Aorte à cheval sur la CIV
    - Sténose pulmonaire (CCVD, valve pulmonaire, tronc de l’AP)
    - HVD (VD connecté à la pression systémique)
 
Shunt D → G cyanogène, débit pulmonaire abaissé (Qp ↓, Qp/Qs < 1.0)
Pour diminuer le shunt, augmenter les RAS (stimulation alpha), diminuer les RAP (hyperventilation)
Si composante dynamique (CCVD) : béta-bloqueur
SaO2 proportionnelle au Qp/Qs
     
Recommandations pour l’anesthésie :
    - AG sevoflurane ou midazolam/propofol
    - Ventilation : hypocapnie, FiO2 sans effet
    - Augmenter les RAS pour ↑ SpO2  
    - Eviter la vasodilatation systémique
    - Maintenir la précharge: l’hypovolémie augmente le shunt D → G cyanogène
    - Rachianesthésie inadéquate; si ALR rachidienne: péridurale avec installation lente du bloc
 
Si le débit pulmonaire est assuré par un shunt palliatif (type Blalock-Taussig) ou des collatérales Ao → AP (flux fixe)
    - Qp proportionnel à la PA systémique
    - Maintenir les RAS ↑
    - Hypovolémie/hypotension :  Qp ↓, cyanose↑
 
Après correction chirurgicale :
    - Séquelles : sténose ou insuffisance pulmonaire
    - Arythmies
    - Dysfonction VD
    - Dilatation de la racine aortique et IA
    - Dysfonction VG


© BETTEX D, CHASSOT PG, Janvier 2008, dernière mise à jour Décembre 2019
 
 
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