Le canal AV est une absence de septation au centre du cœur, très fréquemment associée à la trisomie 21 (60% à 86% des cas) [3]. Il représente 4% des cardiopathies congénitales, mais se retrouve dans d’autres pathologies, tel le ventricule droit à double issue (VDDI) ou la sténose sous-aortique. Dans les pays où la technologie le permet, le diagnostic est souvent posé avant la naissance. Le CAV consiste en une CIA de type ostium primum, une CIV de la chambre d'admission (inlet VSD), et une valve auriculo-ventriculaire commune à 5 feuillets entourant un orifice central. Les deux valves tricuspide et mitrale sont typiquement situées sur le même plan; elles ont des attaches variables entre elles et avec la crête du septum interventriculaire (Figure 14.40) (Vidéos).
Vidéo: Vue 4-cavités d'un canal AV caractérisé par l'insertion des valves mitrale et tricuspide sur le même plan au niveau septal; présence d'une CIA de type ostium primum.
Vidéo: Vue 4-cavités d'un canal AV caractérisé par l'insertion des valves mitrale et tricuspide sur le même plan au niveau septal; présence d'une CIV au niveau de la chambre d'admission.
Vidéo: Vue 4-cavités d'un canal AV caractérisé par l'insertion des valves mitrale et tricuspide sur le même plan au niveau septal; présence d'une CIA de type ostium primum.
Vidéo: Vue 4-cavités d'un canal AV caractérisé par l'insertion des valves mitrale et tricuspide sur le même plan au niveau septal; présence d'une CIV au niveau de la chambre d'admission.
Figure 14.40 : Canal AV complet avec CIA, CIV et fente médiane dans les feuillets septaux de la tricuspide et de la mitrale; les flèches représentent les différents shunts et régurgitations simultanés.
Outre la CIA et la CIV, le canal AV comprend un éventail de malformations de la valve tricuspide et de la valve mitrale avec divers degrés de régurgitation par une fente (cleft) centrale (Vidéo).
Vidéo: Vue 4-cavités d'un canal AV avec le Doppler couleur, montrant une double insuffisance mitrale (par la commissure et par le cleft jouxtant le septum), ainsi qu'une insuffisance tricuspidienne.
Ces orifices communiquent entre eux, et le shunt peut prendre de nombreuses directions: VG→VD, VG→OD, OG→OD, OG→VD; de plus, il existe une insuffisance mitrale (VG→OG) et une insuffisance tricuspidienne (VD→OD) par les fentes valvulaires. Inhérent à ce défaut de septation centrale et au déplacement apical de l'anneau mitral, l’aorte est positionnée très antérieurement, ce qui rétrécit la chambre de chasse du VG (CCVG), la déforme en col-de-cygne et la rend très susceptible à une obstruction dynamique. La bascule postérieure de l’anneau auriculo-ventriculaire conduit à un rétrécissement de la voie d’admission du VG et à un raccourcissement de sa voie d’éjection, avec rapprochement latéral des piliers [5]. Dans certains cas, le CAV est partiel et il n'existe qu'une CIA de type ostium primum ou qu'une CIV de la chambre d'admission [4].
Cliniquement, le CAV se présente comme en un gros shunt G-D avec une augmentation du flux pulmonaire et une surcharge de volume à la fois pour le VD par la CIA et pour le VG par la CIV. Les symptômes apparaissent dans les premiers mois de vie et sont déterminés par l’importance de la CIV. L’HTAP se développe tôt dans l'évolution de la maladie si la CIV est majeure; elle crée secondairement une surcharge de pression pour le VD. Dans les cas de CAV partiel sans CIV, la CIA conduit à une surcharge de volume pour le VD et la circulation droite; la prise en charge est alors la même que pour une CIA simple.
Lors de canal AV complet, la correction chirurgicale a lieu entre 3 et 6 mois afin d’éviter les complications de l’HTAP secondaire à la CIV. Elle consiste à refermer la CIA et la CIV avec un ou deux patches, à plastier les feuillets qui présentent une fente et à éviter les voies de conduction, qui présentent souvent une position anormale dans cette anomalie; l’abord est transauriculaire droit. Lors de canal AV partiel (CIA ostium primum), la correction peut attendre l’âge de 2 à 5 ans, sauf s’il se développe une insuffisance ventriculaire congestive [1]. L'examen échocardiographique permet de contrôler l’étanchéité des patches et des reconstructions valvulaires, ainsi que l’anatomie de la CCVG. La comparaison des saturations en VCI et VCS avec celle de l'AP donne une idée de l'importance du shunt résiduel éventuel. La mortalité opératoire varie de 1% pour le canal AV partiel à 5% pour le canal AV complet [6]. Les complications postopératoires sont le bloc AV III, la crise d’HTAP, l’insuffisance ventriculaire droite ou gauche, et la fuite valvulaire résiduelle sur la valve tricuspide ou mitrale. Dans les rares cas inopérables en CEC, on se contente d’une palliation par cerclage de l’artère pulmonaire pour limiter l’HTAP.
Lors de canal AV complet, la correction chirurgicale a lieu entre 3 et 6 mois afin d’éviter les complications de l’HTAP secondaire à la CIV. Elle consiste à refermer la CIA et la CIV avec un ou deux patches, à plastier les feuillets qui présentent une fente et à éviter les voies de conduction, qui présentent souvent une position anormale dans cette anomalie; l’abord est transauriculaire droit. Lors de canal AV partiel (CIA ostium primum), la correction peut attendre l’âge de 2 à 5 ans, sauf s’il se développe une insuffisance ventriculaire congestive [1]. L'examen échocardiographique permet de contrôler l’étanchéité des patches et des reconstructions valvulaires, ainsi que l’anatomie de la CCVG. La comparaison des saturations en VCI et VCS avec celle de l'AP donne une idée de l'importance du shunt résiduel éventuel. La mortalité opératoire varie de 1% pour le canal AV partiel à 5% pour le canal AV complet [6]. Les complications postopératoires sont le bloc AV III, la crise d’HTAP, l’insuffisance ventriculaire droite ou gauche, et la fuite valvulaire résiduelle sur la valve tricuspide ou mitrale. Dans les rares cas inopérables en CEC, on se contente d’une palliation par cerclage de l’artère pulmonaire pour limiter l’HTAP.
Anesthésie
Le choix de la technique dépend de l’importance du shunt G-D et de l’état clinique. En cas d’insuffisance ventriculaire et d’HTAP, une induction intraveineuse à base de fentanyl/midazolam est nécessaire; sinon, une induction avec un halogéné (sevoflurane) est possible.
- Minimiser la dépression myocardique.
- Baisser les RAS, ce qui diminue le shunt et les régurgitations ventriculo-auriculaires.
- Diminuer le flux pulmonaire excessif en augmentant les RAP (normo- ou hypercapnie, PEEP).
- En cas d’HTAP, éviter tous les éléments qui stimulent les RAP (stress, douleur, hypothermie, etc) et diminuer activement les RAP (hyperventilation, alcalose, doses élevées de fentanyl/sufentanil, NO•).
- Intubation: peut être difficile en cas de syndrome associé, telle la trisomie 21.
- Après la CEC, un support inotrope et vasodilatateur est nécessaire (dobutamine, milrinone-adrénaline). La réactivité vasculaire pulmonaire est souvent exacerbée. Les enfants sont maintenus profondément endormis et hyperventilés. Le NO• est utilisé généreusement.
- Examen ETO: les fuites résiduelles, la volémie et la fonction biventriculaire sont bien évaluables par l'échocardiographie transoesophagienne
- Monitorage postopératoire: cathéter pulmonaire (SvO2 en continu), cathéter dans l’OG.
La trisomie 21, associée au CAV dans plus de la moitié des cas, est un syndrome dont les implications pour l’anesthésie sont considérables: difficultés d’intubation, hypothyroïdisme, HTAP fréquente, tendance à la bradycardie, syndrome inflammatoire périopératoire accentué, risque d’œdème laryngé à l’extubation. Les complications sont aussi plus fréquentes: surinfection pulmonaire, dyspnée post-extubation, HTAP et insuffisance droite, bloc AV complet, insuffisance mitrale et/ou tricuspidienne résiduelles, shunt résiduel, sténose dynamique de la CCVG.
Les complications à long terme de la correction chirurgicale pratiquée en bas âge sont une persistance de la régurgitation mitrale, une fuite résiduelle sur le patch, une sténose dynamique sous-aortique et un bloc AV complet nécessitant un pacemaker définitif. Le taux de reprise ultérieure après une correction de CAV réalisée dans l'enfance est très élevé (11-32%) [2]. Les causes de réopération les plus fréquentes sont l’insuffisance mitrale ou tricuspidienne, le shunt G-D résiduel, l’obstruction de la CCVG (gradient moyen > 50 mmHg) ou la dysfonction du VG. Le taux de survie à long terme après réopération est de 88% [2].
Canal auriculo-ventriculaire (CAV) |
Défaut de coalescence centrale du cœur avec association de :
- CIA ostium primum
- CIV au niveau de la chambre d’admission
- Fente dans le feuillet septal de la valve tricuspide et dans le feuillet antérieur de la mitrale
- Déformation de la CCVG
- Shunt complexe entre OG-OD, VG-VD, OG-VD
- Insuffisances tricuspidienne et mitrale
La CIV provoque une surcharge de volume pour le VG. Dans le canal AV partiel (absence de CIV), la CIA provoque une surcharge de volume pour le VD.
Si la CIV est majeure : risque élevé d’HTAP et de dysfonction secondaire du VD. Si la CIV est minime, évolution comme une CIA. Si large fente dans le feuillet antérieur, évolution comme une insuffisance mitrale.
Prise en charge : augmenter les RAP et baisser les RAS; si HTAP, baisser les RAP par hyperventilation, NO, alcalose, fentanyl. Support inotrope souvent nécessaire
Choix de l’anesthésie en fonction de la contrainte prioritaire: shunt G-D, HTAP, insuffisance ventriculaire, ou régurgitation mitrale/tricuspidienne.
Complications postopératoires : bloc AV, crise d’HTAP, insuffisance ventriculaire droite ou gauche, fuite valvulaire résiduelle, subobstruction de la CCVG.
|
© BETTEX D, BOEGLI Y, CHASSOT PG, Juin 2008, dernière mise à jour Mai 2018
Références
- BENT ST. Anesthesia for left-to-right shunt lesions. In : ANDROPOULOS DA, et al, eds. Anesthesia for congenital heart disease. Oxford: Blackwell-Futura, 2005, 297-327
- HOOHENKERK GJ, BRUGGEMANS EF, KOOLBERGEN DR, et al. Long-term results of reoperation for left atrio-ventricular valve regurgitation after correction of atrio-ventricular septal defects. Ann Thor Surg 2012; 93:849-55
- LANGE R, GUENTHER T, BUSCH R, et al. The presence of Down syndrome is not a risk factor in complete atrioventricular septal defect repair. J Thorac Cardiovasc Surg 2007; 134:304-10
- PICCOLI GP. Morphology and classification of complete atrioventricular defects. Brit Heart J 1979; 42:633-9
- SNIDER AR, SERWER GA, RITTER SB. Defects in cardiac septation. In : SNIDER AR, SERWER GA, RITTER SB. Echocardiography in pediatric heart disease. 2nd ed. St Louis, Mosby, 1997, pp. 235-96.
- STARK J. GALLIVAN S, LOVEGROVE J, et al. Mortality rates after surgery for congenital heart defects in children and surgeon’s performance. Lancet 2000; 355:1004-7