Ephédrine
L’éphédrine est un alcaloïde qui a une activité sympathicomimétique (effets α, β1 et β2) modeste et indirecte (stimule la libération de nor-adrénaline) ; l’effet α veineux prédomine à faibles doses (voir Tableau 4.22). La tachyphylaxie est fréquente. La demi-vie sérique est de 3 heures.
Indications cliniques :
- Hypotension sur hypovolémie et baisse des RAS sans tachycardie ; idéal en cas de rachianesthésie ou de péridurale ;
- Baisse momentanée de la performance myocardique (surdosage anesthésique, induction) ;
- Bolus répétés de 5-10 mg (0.1-0.5 mg/kg) iv (voie périphérique ou centrale).
Phényléphrine
La phényléphrine (Néo-Synéphrine®) est un vasoconstricteur α1 synthétique puissant à prédominance artérielle (↑ RAS), sans aucun effet β ; la fréquence cardiaque baisse par réflexe.
Indications cliniques :
- Hypotension sur baisse des RAS ; idéal pour le réglage momentané des RAS ;
- Hypotension en cas de coronaropathie ou de sténose aortique (effet bradycardisant) ;
- Bolus répétés de 50-100 mcg iv (voie périphérique ou centrale) ; dose maximale : 1-2 mg.
La phényléphrine réduit le débit cardiaque, augmente le stress de paroi du VG et élève la mVO2. L’augmentation isolée des RAS est utile dans le cadre de la sténose aortique, de l’ischémie coronarienne ou du shunt droite-gauche (tétralogie de Fallot) [14]. Mais l’augmentation de la postcharge du VG (effet α pur) sans l’aide d’un effet β auxiliaire peut entraîner une dilatation et une décompensation du ventricule, particulièrement en cas de dysfonction préalable ou d’insuffisance aortique. C’est la raison pour laquelle il est recommandé de ne pas dépasser une dose totale de 1 mg, sauf en CEC. Si quelques bolus de 100 mcg ne font pas l’effet désiré, passer à une perfusion de nor-adrénaline.
Nor-adrénaline
La nor-adrénaline (Levophed®) est une catécholamine naturelle qui est le principal neurotransmetteur sympathique postganglionnaire, synthétisé dans les neurones et la médullo-surrénale. Elle a un effet α1 et α2 puissant, et un effet β1 faible (in vivo). Elle augmente beaucoup la postcharge (↑ RAS) et un peu la contractilité ; la fréquence tend à baisser par réflexe (selon la dose) malgré un léger effet chronotrope intrinsèque; en conséquence, le débit cardiaque n’augmente pas. Elle modifie peu les RAP (récepteurs α rares dans le lit pulmonaire).
Indications cliniques :
- Hypotension nécessitant un besoin > 1 mg de néosynéphrine ;
- Hypotension sur vasoplégie ;
- Maintien de la pression de perfusion coronarienne et cérébrale ;
- Maintien du support interventriculaire par le VG en cas d'insuffisance droite;
- Perfusion iv 0.05 – 0.5 mcg/kg/min, exclusivement par voie centrale.
La nor-adrénaline est fréquemment associée à la dobutamine et au levosimendan pour le maintien de la pression artérielle systémique en cas de dysfonction ventriculaire. Lors d’insuffisance ventriculaire chronique, son effet inotrope positif est plus prononcé à cause de la prédominance des récepteurs α intramyocardiques.
Vasopressine
La vasopressine (Pitressine®) est dérivée de l’hormone anti-diurétique naturelle ; elle provoque une vasoconstriction artérielle intense par stimulation des récepteurs V1 de la musculature lisse, indépendamment des récepteurs catécholaminergiques. Elle provoque relativement davantage de vasoconstriction dans la peau, les muscles et les viscères que dans les coronaires et les reins. Elle provoque moins de vasoconstriction coronarienne, rénale et splanchnique que la noradrénaline pour le même résultat sur la pression systémique [11]. Toutefois, la prédominance de réponse vasoconstrictrice dans le réseau coronarien droit fait courir un risque d'ischémie du VD lors de perfusion à haute dose [12]. Elle réduit le taux de complications en cas de choc distributif (OR 0.25-0.33), mais sans réduction de mortalité [3]. Elle tend à diminuer le taux d'insuffisance rénale par rapport à la noradrénaline [4]. Elle n’augmente pas la PAP car le rapport entre les récepteurs V1 (vasoconstriction) et V2 (vasodilatation) est en faveur des seconds dans le lit pulmonaire; elle a un effet vasodilatateur pulmonaire à faible dosage (< 0.07 UI/min), mais un effet vasoconstricteur seulement à forte dose (> 0.2 U/min) [2]. Elle ne cause ni tachycardie, ni arythmies, ni hypertension pulmonaire et reste active en cas d’hypoxie ou d’acidose. Sa demi-vie sérique est de 6-10 minutes.
Indications cliniques :
- Vasoconstricteur artériel de réserve lorsque la nor-adrénaline est insuffisante (persistance de PAM < 55 mmHg, RAS < 600 dynes•s•cm-5) ;
- Hypotension réfractaire sur vasoplégie massive ou choc septique ;
- Hypotension systémique en cas d’HTAP ou d’insuffisance droite ;
- Perfusion iv 1-4 U/heure ;
- Arrêt cardiaque : 40 U iv.
Bleu de méthylène
Le cGMP provoque une puissante relaxation de la musculature lisse (vasodilatation) et un effet inotrope négatif. Sa synthèse est déclenchée par le NO•, les interleukines, les radicaux libres et le syndrome inflammatoire. Le bleu de méthylène (BM) agit comme un antagoniste du NO• (inhibition de la NO-synthase) et un bloqueur du cGMP, utile dans le choc vasoplégique résistant aux vasoconstricteurs habituels [9]. Au dosage de 1-2 mg/kg en 20 minutes suivi d'une perfusion de 2 mg/kg/h (demi-vie 5-6 heures), le BM peut rétablir les RAS et la pression artérielle en moins de 2 heures dans les situations où les autres vasopresseurs sont restés inefficaces [7,8,9,13]. Son bénéfice est maximal s'il est administré tôt dans le déclenchement de l'hypotension [10]. La vasoplégie induite par la protamine est un cas à part, car le BM pourrait y accentuer la poussée hypertensive pulmonaire [9].
Toutefois, il présente des effets secondaires potentiellement dangereux à dose élevée (> 7 mg/kg): hémolyse, méthémoglobinémie, arythmies, vasoconstriction rénale, splanchnique et coronaire, hypertension pulmonaire, neurotoxicité [1,6]. Il possède une activité de type IMAO qui, en présence d'antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine/noradrénaline ou de type tricyclique, peut conduire à une hyperactivité sérotoninergique (serotonin syndrome) dans le système nerveux central accompagnée d'agitation, de confusion, de myoclonies et d'instabilité du système autonome (hyperthermie, tachypnée, tachycardie) [5]. Il inhibe le cytochrome P450 et prolonge l'effet de substances comme les fentanils, la digoxine, la ciclosporine ou le tacrolimus [9]. Il est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale et pendant la grossesse, ainsi que chez les patients sous NO. La peau, les conjonctives et les urines apparaissent bleutées; la pulsoxymétrie n'est plus fiable et donne des valeurs de SaO2 plus basses que la réalité [13].
Vasopresseurs |
Ephédrine : effets α (veineux + artériel) et β modestes et indirects ; agent de première intention en cas d’hypotension et de baisse des RAS sans tachycardie (induction, loco-régionale).
Phényléphrine : effets α artériel puissant sans aucun effet β, bradycardie réflexe ; idéal pour le réglage momentané des RAS ; risque de défaillance du VG par excès de postcharge (pas d’ effet β) en cas d’administration itérative.
Noradrénaline : stimulation α prédominante, augmentation des RAS ; léger effet inotrope positif, plus marqué en cas d’insuffisance ventriculaire.
Vasopressine : vasoconstriction artérielle systémique (récepteurs V1) sans augmentation des RAP.
Bleu de méthylène: vasoconstricteur de sauvetage dans les vasoplégies post-CEC.
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© CHASSOT PG, BETTEX D, MARCUCCI C, Septembre 2010, dernière mise à jour, Décembre 2018
Références
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- HAJJAR LA, VINCENT JL, BARBOSA GOMES GALAS FR, et al. Vasopressin versus norepinephrine in patients with vasoplegic shock after cardiac surgery. The VANCS randomized controlled trial. Anesthesiology 2017; 126:85-93
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- MAZZEFFI M, HAMMER B, CHEN E, et al. Methylene blue for postcardiopulmonary bypass vasoplegic syndrome: a cohort study. Ann Card Anaesth 2017; 20:178-81
- McCARTNEY SL, DUCE L, GHADIMI K. Intraoperative vasoplegia: methylene blue to the rescue ! Curr Opin Anesthesiol 2018; 31:43-9
- MEHAFFEY JH, JOHNSTON LE, HAWKINS RB, et al. Methylene blue for vasoplegic syndrome after cardiac operation: early administration improves survival. Ann Thorac Surg 2017; 104:36-41
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