La meilleure stratégie de prévention est d'opérer les patients dans les deux semaines qui suivent un AVC [9b]. Comme le fonctionnement des barorécepteurs est perturbé pendant une dizaine de jours après un ictus, l'intervention a donc lieu pendant une période d'instabilité hémodynamique [8]. D'autre part, l'athéromatose de la région du bulbe carotidien rigidifie la paroi et atténue la sensibilité des barorécepteurs. Cette altération est encore aggravée par la dissection périvasculaire et par l'infiltration d'anesthésique local. La dissection du tronc carotidien stimule les barorécepteurs, qui réagissent à la distension de la paroi carotidienne. Leur stimulation inhibe le centre vasoconstricteur et stimule le vague, d’où vasodilatation, baisse de fréquence cardiaque et effet inotrope négatif. La sensibilité des récepteurs diminue avec l'âge, l'hypertension, le diabète, les maladies vasculaires cérébrales et l’anesthésie générale. Pour diminuer la portée de ce phénomène, l'opérateur infiltre le sinus carotidien et la gaine vasculaire avec de la xylocaïne 0.5 % sans adrénaline. Cette anesthésie d'un sinus carotidien induit un état de dysautonomie hémodynamique qui se traduit par une relative résistance à l'installation de l'effet vasoconstricteur ou vasodilatateur des agents pharmacologiques, mais par une plus grande sensibilité dès que cet effet survient [7]. Pendant un stenting, la dilatation artérielle avec le ballon d'angioplastie est interprétée comme une poussée hypertensive; d'où déclenchement d'une hypotension et d'une bradycardie dans 30-51% des cas [5]. Les patients opérés sous anesthésie générale sont plus enclins à développer des épisodes d'hypotension que ceux opérés en anesthésie loco-régionale [2].
Pendant le clampage
D'une manière générale, on cherche à maintenir le patient au voisinage de la limite supérieure de sa pression normale, y compris s'il est hypertendu. Comme le flux sanguin cérébral dépend de la pression en aval de sténoses carotidiennes, l'hypotension est plus dangereuse que l'hypertension ; elle triple le risque d’AVC, qui est de 11.4% chez les patients hypotendus mais de 4.1% chez les malades normotendus [3]. Avant et pendant le clampage carotidien, il est recommandé de maintenir la PAM 20% au-dessus de sa valeur de base avec un vasopresseur (phényléphrine, nor-adrénaline) ; en cas de bradycardie associée, l’éphédrine est préférable [1]. Sous anesthésie générale, les vasoconstricteurs alpha purs font courir le risque d'une diminution du flux sanguin cérébral par baisse du débit cardiaque et par effet vasoconstricteur local (baisse de la ScO2), ce qui n'est pas le cas avec des agents mixtes comme l'éphédrine [6]; ce phénomène n'apparaît pas sous anesthésie loco-régionale [4]. Tant que le malade est asymptomatique, on tolère des PAM jusqu'à 120-140 mmHg avant et pendant le clampage [7]. En cas de poussée hypertensive prohibitive, le choix se porte sur des substances sans effet vasodilatateur artériolaire, donc ne modifiant pas l'autorégulation cérébrale et ne présentant pas de risque de vol.
- Baisse du tonus sympathique basal : Fentanyl 25 - 50 mcg en bolus (analgésie, sédation).
- Si la fréquence est supérieure à 70/min ou si le patient souffre de coronaropathie : β-bloqueur (esmolol, métoprolol, aténolol), en se basant sur la réponse de la fréquence cardiaque.
- Si la fréquence est normale ou basse : nitroglycérine en bolus et/ou en perfusion.
- Si ces mesures sont insuffisantes: nicardipine (2-4 mg/min jusqu'à l'effet désiré).
Un α-lytique comme la phentolamine en bolus ou le nitroprussiate de Na en perfusion ne sont indiqués qu’en cas de souffrance ventriculaire gauche, car ils font courir le risque de vol intracrânien (détournement du flux sanguin cérébral vers les zones pharmacologiquement vasodilatées à partir des zones déjà maximalement vasodilatées en aval de la sténose ou du clampage).
Après le déclampage
Au déclampage, la PAM doit impérativement être inférieure de 20% à sa valeur de base [8]. En effet, les territoires situés en aval d'une sténose, maximalement vasodilatés, vont être noyés par un flux excessif au moment du déclampage. Lorsque la sténose est levée, cette arrivée massive de sang (jusqu'à + 100% du flux préopératoire) peut conduire à un syndrome d’hyperperfusion (voir ci-après Complications). L’hypertension aggrave le phénomène [7]. Il convient donc de démarrer une perfusion de nitroprussiate dès 3 minutes avant le déclampage, ou d'administrer des bolus de phentolamine (1 mg) si la pression n'est pas contrôlée. L'état de dysautonomie créé par l'anesthésie du sinus carotidien retarde l'installation de l'effet des vasodilatateurs, mais accentue la chute de pression lorsqu'elle s'installe ; le maintien d'une PAM adéquate est souvent délicat et demande beaucoup de doigté.
Une pression artérielle élevée peut constituer une postcharge excessive pour un patient qui présente une dysfonction ou une ischémie ventriculaire gauche. Une adjonction de catécholamine béta (de préférence dobutamine) peut devenir nécessaire. De ce point de vue, il est recommandé de ne pas dépasser une dose totale de 1 mg de phényléphrine, car cette substance, contrairement à la noradrénaline, est dénuée d'effet béta et impose une élévation de résistance sans l’appui d'une stimulation inotrope. Au-delà de 1 mg, une perfusion de noradrénaline est préférable. La surveillance du segment ST doit être permanente. Les malades hypertendus, âgés ou ischémiques souffrent souvent d'une insuffisance cardiaque diastolique, qui se traduit par des pressions de remplissage élevées et une extrême sensibilité du débit cardiaque à la précharge.
Contrôle de l’hémodynamique |
Pendant le clampage carotidien : PAM + 20%
- Néosynéphrine, noradrénaline
Après le déclampage carotidien : PAM – 20%
- Nitroprussiate, phentolamine, nitroglycérine, nicardipine, β-bloqueur si tachycardie
Si poussée hypertensive excessive pendant le clampage
- Fentanyl (bolus 25 mcg)
- β-bloqueur (esmolol, metoprolol)
- Nitroglycérine
- Pas de vasodilatateurs artériels (risque de vol)
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© CHASSOT PG, Décembre 2010, dernière mise à jour, Décembre 2017
Références
- BROTT TG, HALPERIN JL, ABBARA S, et al. 2011 ASA/ACCF/AHA/AANN/AANS/ACR/ASNR/CNS/SAIP/SCAI/SIR/SNIS/SVM/SVS Guideline on the management of patients with extracranial carotid and vertebral artery disease. Circulation 2011; 124:e54-e130
- EIBES TA, GROSS WS. The influence of anesthetic technique on perioperative blood pressure control after carotid endarterectomy. Am Surg 2000; 66:641-7
- LAL BK, BROTT TG. The Carotid Revascularisation Endarterectomy vs. Stenting Trial completes randomization: lessons learned and anticipated results. J Vasc Surg 2009; 50:1224-31
- MENG L, CANNESSON M, ALEXANDER BS, et al. Effect of phenylephrine and ephedrine bolus treatment on cerebral oxygenation in anesthetized patients. Br J Anaesth 2011; 107:209-17
- MYLONAS SN, MOULAKAKIS KG, ANTONOPOULOS CN, et al. Carotid artery stenting-induced hemodynamic instability. J Endovasc Ther 2013; 20:48-60
- PENNEKAMP CWA, IMMINK RW, MOLL FL, et al. Differential effect of phenylephrine and ephedrine on cerebral hemodynamics before carotid cross-clamping during carotid endarterectomy. Br J Anaesth 2012; 109:831-3
- STONEHAM MD, THOMPSON JP. Arterial pressure management and carotid endarterectomy. Br J Anaesth 2009; 102:442-52
- VANPETEGHEM C, MOERMAN A, DE HERT S. Perioperative hemodynamic management of carotid artery disease. J Cardiothorac Vasc Anesth 2016; 30:491-500