3.3.7 IRM et CT-Scan

Imagerie par résonance magnétique (IRM)

La résonance magnétique nucléaire cardiaque se développe rapidement et devient progressivement un examen de premier choix pour visualiser l’anatomie, évaluer la fonction ventriculaire et les débits, et quantifier l’ischémie et la viabilité tissulaire (Figure 3.4). 


Figure 3.4 : Images d’une coupe du cœur à l’IRM. A : vue 4-cavités d’un cœur normal. B : vue court-axe du VD et du VG. C : Présence d’un thrombus (Th) dans le VG. D : absence de réhaussement dans une zone antéro-septale infarcie (IdM, infarctus du myocarde) au passage tardif du gadolinium (X. Jeanrenaud, Cardiologie, CHUV, Lausanne).

Sa résolution spatiale est de l’ordre de 1.5 mm (à peine inférieure à celle de l’échocardiographie), et sa résolution temporelle (< 60 ms) est de 30-40 images/sec (échocardiographie : jusqu’à 160 images/sec) (Vidéos), mais l’acquisition des images prend 10-20 minutes [5]. Elle offre des réponses très précises et très spécifiques à des questions anatomo-pathologiques particulières, notamment lorsque l’échocardiographie est de mauvaise qualité, car elle offre une caractérisation adéquate des tissus mous et ne souffre pas d’artéfacts. L’utilisation de produit de contraste non-iodé (gadolinium) et l’absence d’irradiation ionisante sont des avantages considérables. Malheureusement, l’IRM est exclue chez les malades trop claustrophobes, obèses, porteurs de matériel métallique (pace-maker, pompe, prothèse) ou arythmiques (l’image est reconstruite à partir de plusieurs cycles cardiaques réguliers au cours d’une apnée de 12 secondes). De plus, le prix et la complexité de l’installation sont considérables. L’IRM est particulièrement performante dans certaines indications [5,7].

Vidéo: Image IRM du coeur en 4-cavités, dans une vue analogue à une vue apicale transthoracique.

Vidéo: Image IRM du coeur en long-axe, dans une vue analogue à une vue parasternale long-axe transthoracique.

  • Mesure la plus rigoureuse des volumes ventriculaires du VG et du VD ; calcul de la FE, de la fraction de régurgitation, du shunt, etc ; mesure très précise de l’épaisseur et de la masse ventriculaire.
  • Caractérisation précise des structures tissulaires : zones inflammatoires, fibrose et cicatrice ischémiques, zone d’hypertophie ventriculaire asymétrique, infiltration fibro-graisseuse de la dysplasie arythmogène, infiltration amyloïde, sarcoïdose, oedème, hyperémie et nécrose de la myocardite.
  • Reconstruction tridimensionnelle et angiographie de l’aorte : dissection, anévrysme, thrombus, hématome intramural, artérite (aortite).
  • Bonne résolution spatiale des feuillets valvulaires et des prothèses, mais résolution temporelle plus lente que celle de l’échocardiographie ; le calcul des gradients n’est pas performant mais celui des flux permet une bonne quantification de l’insuffisance aortique.
  • Grande précision dans les détails anatomiques des cardiopathies congénitales, notamment dans les localisation difficiles pour l’échocardiographie : coarctation de l’aorte, retours veineux anormaux, CIV complexe, récidive après correction chirurgicale.
  • Excellente définition de la perfusion myocardique (ischémie active) et de la viabilité tissulaire.

Lors d’ischémie myocardique, l’IRM de stress (perfusion myocardique au gadolinium sous adénosine ou sous dobutamine) représente la meilleure alternative en cas d’échogénicité insuffisante pour une échocardiographie. Un enregistrement de 3 coupes en court-axe permet de visualiser 16 segments myocardiques. La sensibilité et la spécificité sont de 91% à 86% [2,13]. En enregistrant les images 10-20 minutes après la perfusion de gadolinium (late gadolinium enhancement), on peut différencier l’état de la région ischémique : obstruction microvasculaire (zone sombre), oedème (zone à risque), cicatrice (infarctus, fibrose), ou hibernation (zone non fonctionnelle mais viable) [5]. L’avantage principal est une excellente évaluation de la viabilité du tissu, donc de sa capacité à récupérer lors d’une revascularisation. De plus, les thrombus intracavitaires sont très bien différenciés. Le gadolinium est contre-indiqué lorsque la clairance de la créatinine est < 30 mL/min.

On peut obtenir des coronarographies de haute qualité, mais limitées aux vaisseaux proximaux, parce que la tortuosité des petits vaisseaux qui entourent le coeur et la résolution spatiale plus faible que celle de l’angiographie limitent les performances de l’IRM [6] ; de plus, les calcifications vasculaires ne sont pas visibles. La résolution temporelle et l’imagerie dynamique de l’IRM sont supérieures à celles de l’angio-CT.

Angio-CT

Le CT-scan multibarettes (64 à 320 détecteurs) permet de visualiser les artère coronaires et de réaliser une coronarographie non invasive (Figure 3.5). 
 

Figure 3.5 : Coronarographie par CT-scan multibarettes [d’après réf 3]. A : coronaires normales. B : sténose de l’IVA. 

Sa résolution spatiale (0.4 mm) et temporelle (280-420 msec) restent toutefois inférieures à celle de l’angiographie, même si la résolution spatiale est supérieure à celle de l’IRM. D’autre part, les plaques calciques atténuent fortement les rayons X, apparaissent plus importantes que la réalité et masquent les lésions voisines. Sa sensibilité est de 93% et sa spécificité de 76% [8]. Le score de calcium, qui chiffre le degré de calcification du réseau coronarien, est un bon indice du risque ischémique (OR 2.6) [12]; il est bien corrélé au risque de complication cardiaque (r = 0.762) [1]. Les macrocalcifications sont associées aux plaques stables, alors que les microcalcifications sont plutôt liées aux plaques instables. Cette différentiation est affinée par l’utilisation de produits de contraste iodés qui met en évidence l’aspect excentrique et nécrotique des secondes. La présence d’hémorragie et de thrombus mise en évidence par la détection de methémoglobine signale une plaque à haut risque de provoquer un syndrome coronarien aigu [5]. La sensibilité de 93% et la spécificité de 96% de l’angio-CT en font une excellent technique pour la détection de sténose > 50% [11].Comme il a une valeur prédictive négative très élevée (96-100%), l’angio-CT permet d’exclure efficacement une maladie coronarienne lorsqu’il est normal, mais il ne remplace pas l’angiographie pour la définition précise des lésions coronariennes lorsqu’il en décèle [10]. Ses indications peuvent être réparties en quatre catégories [3,4]. 

  • Investigations avant chirurgie non-cardiaque : angor instable, faible tolérance à l’effort ou dysfonction ventriculaire chez un patient symptomatique à risque intermédiaire ou élevé, tests fonctionnels (stress) non conclusifs ; bien qu’il ne procure pas d’information sur la perfusion myocardique, le CT-scan a l’avantage, par rapport aux tests d’effort, de fournir une vision anatomique de l’arbre coronarien et du cœur. Il améliore l'estimation du risque chez les patients qui ont une complication cardiovasculaire postopératoire, mais il tend à surestimer le risque chez ceux qui ne subissent pas d'accident coronarien [9].
  • Chirurgie cardiaque : dépistage de coronaropathie avant une intervention valvulaire ou avant une autre opération cardiaque non-coronarienne ; sa haute valeur prédictive négative et sa moindre invasivité en font un bon test en remplacement de la coronarographie.
  • Chirurgie de revascularisation coronarienne : la coronarographie reste indispensable pour la définition précise des lésions coronariennes chirurgicales, mais le CT-scan lui est supérieur pour la visualisation des structures lors de reprise chirurgicale : position des pontages précédents, trajet de la mammaire interne, anatomie de la paroi sternale et des cavités cardiaques ; il permet également une bonne définition des calcifications présentes dans la paroi de l’aorte ascendante.
  • Douleurs thoraciques en urgence : le CT-scan et l’angio-CT coronarien permettent un diagnostic différentiel rapide entre une ischémie myocardique sur sténose coronarienne, un anévrysme ou une dissection aortique, et une embolie pulmonaire [5].
IRM et CT-scan
IRM : complexe, coûteux et lent (durée d’acquisition 10-20 minutes), mais précision maximale dans le diagnostic anatomo-pathologique et ischémique ; mesure la plus précise des volumes ventriculaires et de la viabilité myocardique. Absence de radiation ionisante.

Angio-CT : imagerie coronarienne non-invasive et rapide (acquisition < 12 sec), avec meilleure résolution spatiale (< 1 mm) et haute valeur prédictive pour la coronaropathie, mais insuffisante pour le diagnostic cardio-chirurgical précis des lésions coronariennes

Les deux techniques donnent d'excellents résultats pour identifier les pathologies aortiques



© CHASSOT PG, DELABAYS A, SPAHN D, Mars 2010, dernière mise à jour, Août 2019


Références

  1. AHN JH, PARK JR, MIN JH, et al. Risk stratification using computed tomography coronary angiography in patients undergoing intermediate-risk noncardiac surgery. J Am Coll Cardiol 2013; 61:661-8
  2. DANIAS PG, ROUSSAKIS A, IONNIDIS JP. Diagnostic performance of coronary magnetic resonance angiography as compared against conventional X-ray angiography: a meta-analysis. J Am Coll Cardiol 2004:44:1867-76
  3. DE BENEDETTI E, URBAN P, HAUSER H. Coronarographie par CT-scan en 2009. Rev Méd Suisse 2009; 5:532-7
  4. DURST R, BOGOT N, GILON D, et al. Potential role for coronary computerized angiography for assessing preoperative ischemic risk. J Cardiothorac Vasc anesth 2010; 24:348-55
  5. DWECK MR, WILLIAMS MC, MOSS AJ, et al. Computed tomography and cardiac magnetic resonance in ischemic heart disease. J Am Coll Cardiol 2016; 68:2201-16
  6. KIM WY, DANIAS PG, STUBER M, et al. Coronary magnetic resonance angiography for the detection of coronary stenoses. N Engl J Med 2001; 345:1863-9
  7. PENNEL DJ. Cardiovascular Magnetic resonance. Circulation 2010; 121:692-705
  8. ROBERTS WT, BAX JJ, DAVIES LC. Cardiac CT and CT coronary angiography: Technology and application. Heart 2008; 94:781-92
  9. SHETH T, CHAN M, BUTLER C, et al. Prognostic capabilities of cotonary computed tomographic angiography before bon-cardiac surgery: prospective cohort study. BMJ 2015; 350:h1907
  10. STEIN PD, YAEKOUB AY, MATTA F, et al. 64-slice CT for diagnosis of coronary artery disease: A systematic review. Am J Med 2008; 121:715-25
  11. VAN HOENACKER PK, HEIJENBROK-KAL MH, VAN HESTE R, et al. Diagnostic performance of multidetector CT angiography for assessment of coronary artery disease: meta-analysis. Radiology 2007; 244:419-28
  12. YEBOAH J, McCLELLAND RL, POLONSKY TS, et al. Comparison of novel risk markers for imrovement in cardiovascular risk assessment in intermediate-risk individuals. JAMA 2012; 308:788-95
  13. YONEZAWA M, NAGATA M, KITAGAWA K, et al. Quantitative analysis of 1.5-T whole-heart coronary MR angiograms obtained with 32-channel cardiac coils: a comparison with conventional quantitative coronary angiography. Radiology 2014; 271:356-64