Introduction
Il n'existe aucune mesure directe de la volémie utilisable en clinique. On se réfère habituellement à la détermination de valeurs de substitution, telles la pression artérielle ou la pression veineuse centrale (PVC). Or la pression et le volume de remplissage sont reliés entre eux par la compliance de la cavité cardiaque. Cette relation est curvilinéaire : les variations de pression (ΔP) sont minimes par rapport aux variations de volume (ΔV) à bas volume de remplissage parce que la courbe de compliance est quasi-horizontale en hypovolémie, mais importantes à haut volume parce que la courbe se redresse (Figure 27.1) [10]. De ce fait, la corrélation de la PVC à la volémie est inexistante lorsque la précharge est basse (r = 0.3-0.5) [22].
Figure 27.1 : Courbe de compliance du ventricule. La courbe normale (en bleu) est curvilinéaire. En hypervolémie, une variation du volume de remplissage (ΔV) se traduit par une variation significative de la pression télédiastolique (PVC ou PAPO) parce que la courbe est bien redressée. En hypovolémie, au contraire, la courbe est très plate, et une variation de volume (ΔV') même importante ne provoque qu'une modification minime, voir non mesurable, de la pression de remplissage (ΔP'). Ce phénomène invalide la mesure de la PVC ou de la PAPO comme indice d'hypovolémie. En cas de dysfonction diastolique, la courbe de compliance (en rouge) est déplacée vers le haut (la pression de remplissage est plus élevée pour le même volume) et redressée dès son origine.
En salle d'opération, au déchoquage et aux soins intensifs, c'est surtout le diagnostic de l'hypovolémie qui intéresse l'anesthésiste-réanimateur. De ce point de vue, l’ETO lui offre quatre modalités pour évaluer le remplissage du patient.
Il n'existe aucune mesure directe de la volémie utilisable en clinique. On se réfère habituellement à la détermination de valeurs de substitution, telles la pression artérielle ou la pression veineuse centrale (PVC). Or la pression et le volume de remplissage sont reliés entre eux par la compliance de la cavité cardiaque. Cette relation est curvilinéaire : les variations de pression (ΔP) sont minimes par rapport aux variations de volume (ΔV) à bas volume de remplissage parce que la courbe de compliance est quasi-horizontale en hypovolémie, mais importantes à haut volume parce que la courbe se redresse (Figure 27.1) [10]. De ce fait, la corrélation de la PVC à la volémie est inexistante lorsque la précharge est basse (r = 0.3-0.5) [22].
Figure 27.1 : Courbe de compliance du ventricule. La courbe normale (en bleu) est curvilinéaire. En hypervolémie, une variation du volume de remplissage (ΔV) se traduit par une variation significative de la pression télédiastolique (PVC ou PAPO) parce que la courbe est bien redressée. En hypovolémie, au contraire, la courbe est très plate, et une variation de volume (ΔV') même importante ne provoque qu'une modification minime, voir non mesurable, de la pression de remplissage (ΔP'). Ce phénomène invalide la mesure de la PVC ou de la PAPO comme indice d'hypovolémie. En cas de dysfonction diastolique, la courbe de compliance (en rouge) est déplacée vers le haut (la pression de remplissage est plus élevée pour le même volume) et redressée dès son origine.
En salle d'opération, au déchoquage et aux soins intensifs, c'est surtout le diagnostic de l'hypovolémie qui intéresse l'anesthésiste-réanimateur. De ce point de vue, l’ETO lui offre quatre modalités pour évaluer le remplissage du patient.
- Mesures bidimensionnelles et tridimensionnelles;
- Flux de remplissage;
- Flux d’éjection et indices dynamiques en ventilation en pression positive;
- Oscillations du septum interauriculaire.
Visualisation des surfaces
La surface et le volume étant liés entre eux par une relation linéaire indépendante de la compliance, la visualisation directe des cavités cardiaques par l’échocardiographie est une voie privilégiée pour l'appréciation du degré de remplissage cardiaque. En vue transgastrique court-axe du VG, la variation de la surface endocavitaire télédiastolique gauche (StdVG mesurée au moment de l’onde R de l’ECG) a une sensibilité de 90% et une spécificité de 80% pour le diagnostic de l’hypovolémie (Vidéos) [15]. La StdVG décroît linéairement de 0.3 cm2 par 1% de déficit en volume circulant lors d’hémodilution [1]. Elle est un excellent indicateur de l’évolution du remplissage ventriculaire (r = 0.9) (Figure 27.2) [1,16]. Cette relation entre la surface et la volémie est maintenue en cas d'hypertrophie ventriculaire concentrique, de dysfonction diastolique ou d’insuffisance cardiaque, alors que, dans ce cas, la PVC et/ou la PAPO sont anormalement élevées pour le même degré de remplissage [19]. Les valeurs minimales du VG en court axe en dessous desquelles l’hypovolémie est probable sont : diamètre télédiastolique < 2.2 cm/m2, surface télédiastolique < 6 cm2/m2 [18]. En télésystole, il arrive que les muscles papillaires se touchent (kissing papillary muscles) tant le volume résiduel est faible ; bien que très sensible (sensibilité 99%), ce signe n’est pas spécifique (spécificité 30%) parce qu’il survient dès que la postcharge est basse, notamment lors de vasoplégie ou de contre-pulsion intra-aortique [8].
Vidéo: vue court-axe transgastrique du VG chez un patient normovolémique.
Vidéo: vue court-axe transgastrique du VG chez le même patient, mais au cours d'un épisode d'hypovolémie; la surface endocavitaire est beaucoup plus petite; les piliers se touchent en systole. A noter l'absence de tachycardie.
Figure 27.2 : Evaluation de la volémie à l'ETO par mesure de la surface télédiastolique du VG (StdVG en cm2) en court-axe transgastrique. A : la relation entre cette surface et le déficit en volume lors d'hémodilution aiguë est linéaire. En bleu: courbe chez des individus normaux; en rouge: courbe chez des insuffisants cardiaques gauches [1]. B : mesures de dimensions du VG: dessin de la surface (pointillé bleu) telle qu'elle est recommandée, n’incluant pas les muscles papillaires; flèche rouge: diamètre de la cavité du VG. C : rétrécissement télésystolique de la cavité en hypovolémie ou lors de vasoplégie.
Toutefois, en elle-même, la corrélation de la Std avec le volume systolique est modeste (r = 0.6 – 0.75), entre autre parce que la surface télédiastolique normale est très variable: 6 – 20 cm2/m2 selon les individus [3,20]. En cas de vasoplégie, la surface et le volume télésystoliques deviennent également très petits, mais les valeurs télédiastoliques sont moins diminuées que dans l’hypovolémie. L’évaluation des dimensions est donc surtout efficace pour le suivi du même malade, mais non pour l’évaluation isolée de la précharge. Bien que certains pensent que seules de grandes différences de volume sont décelables à l'ETO, un anesthésiste-échocardiographeur expérimenté décèle de faibles variations de volume avec beaucoup de précision en observant l'évolution de la surface du VG en court-axe au cours d’une intervention chirurgicale [21].
Une mesure plus fiable du volume télédiastolique gauche peut être obtenue par la règle de Simpson: l'endocarde est dessiné au traceur ou par détection automatique des contours avec correction manuelle; la base est déterminée par le plan de l'anneau mitral. La cavité est divisée en 20 disques selon le long-axe du VG par le processeur, qui calcule le volume à partir de la somme de celui de chacun des 20 disques circulaires: V = (π / 4) • (Σ D1 + Σ D2) • (L / n), où n est le nombre de disques (20) et D1 et D2 sont les diamètres des disques dans le plan A et dans le plan B. Cette méthode est la mesure bidimensionnelle la plus appropriée pour le calcul du volume, mais elle doit être appliquée dans deux vues orthogonales (plan A 4-cavités 0° et plan B 2-cavités 90°, par exemple). La règle de Simpson a été bien validée pour calculer la fraction d'éjection, qui est le rapport entre les volumes mesurés, mais non pour calculer la valeur absolue du volume à cause de l'amputation de la partie apicale du VG. D’autres structures peuvent servir de marqueur au remplissage. Par exemple, la surface de la veine cave supérieure (VCS) est ≥ 2 cm2 ; en hypovolémie, elle devient inférieure à 1 cm2 (Figure 27.3).
Figure 27.3 : Evaluation bidimensionnelle de la volémie. A: vue court-axe basale de la veine cave supérieure et mesure de sa surface de section (ici 2.25 cm2). APD: artère pulmonaire droite. B: technique de mesure du volume ventriculaire gauche selon la règle de Simpson (ici 127 mL); l'endocarde est dessiné au traceur ou de manière semi-automatique; la base est déterminée par le plan de l'anneau mitral; la cavité est divisée en 20 disques le long du long-axe du VG. Le processeur calcule le volume à partir de la somme de celui de chacun des 20 disques circulaires.
En imagerie bidimensionnelle, la détermination du volume du VG n'est possible que par le biais d'approximations géométriques qui introduisent une marge d'erreur considérable. Au contraire, l'imagerie tridimensionnelle donne directement accès au volume de la cavité ventriculaire. L'acquisition est faite en vue mi-œsophage 0-120° en englobant la totalité du VG et en faisant attention de ne pas amputer l'apex. La définition de l'endocarde est semi-automatique. Les muscles papillaires ne sont pas pris en compte, comme dans les mesures 2D [6]. Une fois opérée la définition de l'endocarde, le système réalise off-line un moule tridimensionnel de la cavité et peut suivre son évolution au cours du cycle cardiaque (Vidéo). Ce calcul a une bonne corrélation avec la mesure de l’IRM, bien qu'il tende encore à sous-estimer le volume réel du VG (Figure 27.4) [5,13].
Vidéo: reconstruction 3D d'un moulage endocavitaire dynamique du VG au cours d'un cycle cardiaque; la courbe jaune au bas de l'écran représente l'évolution temporelle du volume ventriculaire.
Figure 27.4 : Calcul du volume ventriculaire gauche en 3D. A: reconstruction du VG et de l'OG à partir d'une vue transthoracique apicale. B: la détection automatique des contours de l'endocarde réalise un moule de la cavité du VG et calcule son volume en continu au cours du cycle cardiaque; l'évolution du volume est illustrée par la courbe jaune au bas de l'écran.
La comparaison entre la mesure 2D (règle de Simpson) et la reconstruction 3D montre que l'examen ETO 2D sous-estime systématiquement le volume d'au moins 6-10%; toutefois, cette infirmité ne suffit pas à modifier la répartition des cas en trois catégories de dilatation ventriculaire (normal, modéré ou sévère), ce qui est suffisant en clinique [12].
Obstruction dynamique de la CCVG
L’imagerie bidimensionnelle est le seul moyen de mettre en évidence un phénomène qui peut accompagner l’hypovolémie : l’obstruction dynamique de la chambre de chasse du VG ou effet CMO, par analogie avec la cardiomyopathie obstructive. Normalement, le point de coaptation de la valve mitrale est maintenu éloigné de la chambre de chasse par trois mécanismes: 1) il est situé au tiers postérieur du diamètre de la valve; 2) la paroi postérieure a moins de course radiaire que les parois antérieure et latérale; 3) la partie postéro-basale est activée électriquement en dernier (Vidéo). Lorsqu’elle s’élève en systole, la pression intraventriculaire maintient l’occlusion de la mitrale en appuyant les deux feuillets l’un contre l’autre par leurs bords distaux.
Vidéo: vue en reconstruction 3D depuis le VG de la chambre d'admission avec la valve mitrale (en-bas à l'écran) et de la chambre de chasse avec la valve aortique (en-haut). Le feuillet antérieur, qui pend librement dans le ventricule en diastole, forme la seule séparation entre les deux chambres. Si le VG devient trop petit, il peut facilement basculer dans la CCVG en systole.
Mais si la cavité du VG se rétrécit au point que la paroi postéro-basale se déplace vers l’avant, le point de coaptation de la mitrale avance en direction de la chambre de chasse du VG (CCVG); l’occlusion n’a plus lieu sur le bord distal des feuillets mais entre l'extrémité du feuillet postérieur et le corps du feuillet antérieur. La partie distale de ce dernier flotte alors dans la cavité du VG, et l'élévation de la pression intraventriculaire la repousse antérieurement en direction de la CCVG. Par effet Venturi, elle est ensuite aspirée dans la CCVG, qu'elle occlut plus ou moins complètement. C’est le SAM (systolic anterior motion), qui survient en méso-systole (Figure 27.5) [4,17].
Figure 27.5 : Obstruction dynamique de la CCVG. A : situation normale. Le point de coaptation des feuillets mitraux est situé au tiers postérieur du diamètre antéro-postérieur (flèches bleues); en systole, la course radiaire de la paroi postéro-basale (*) est plus faible que celle de la paroi antéro-latérale; elle est activée électriquement en dernier. B: si le VG devient très petit par hypovolémie, la paroi postérieure avance en direction de la CCVG (flèche violette), parce que la zone antérieure est la jonction mitro-aortique qui est un point fixe (trigone fibreux); le point de coaptation est alors projeté vers la CCVG. En protosystole, la coaptation a lieu entre l'extrémité du feuillet postérieur et le corps du feuillet antérieur, dont la partie distale se retrouve flottant dans le VG et non en application contre le feuillet postérieur. C : en mésosystole, la pression intraventriculaire pousse le feuillet antérieur en direction de la CCVG (flèche violette) où l'éjection a commencé; celui-ci est alors aspiré par effet Venturi (flèche bleu pâle) et vient bloquer la CCVG (SAM: systolic anterior motion). Le débit aortique baisse soudainement, et la réouverture de la valve mitrale provoque une insuffisance méso-télésystolique (IM). MPP: muscle papillaire postérieur.
A cause de la subobstruction provoquée par le SAM, la Vmax dans la CCVG dépasse 2.5 m/s [7,14]. Le flux baisse dans l’aorte et la réouverture de la mitrale en cours de systole induit une insuffisance méso-télésystolique. Ce phénomène est bien visible en 4 cavités ou en long axe du VG mi-oesophage (Vidéo). La chute du débit systolique en cours de systole ne permet plus à la valve aortique de rester ouverte. En mode TM de la valve aortique (40° ou 120°), on voit collaber les cuspides en cours de systole ; cette image est très pathognomonique. La vélocité du flux aortique augmente très rapidement en cours d’éjection et l’image spectrale prend une forme en dague (Figure 27.6) [9].
Vidéo: subobstruction de la chambre de chasse par le feuillet mitral antérieur déplacé vers l'avant (SAM) dans un cas d'hypertrophie du VG et d'hypovolémie. Le feuillet donne l'impression de se couder en mésosystole.
Figure 27.6 : Obstruction dynamique de la chambre de chasse du VG (CCVG). A: coudure du feuillet mitral antérieur qui bascule dans la CCVG en cours de systole (SAM: systolic anterior motion) en vue long-axe 140°. B: au Doppler couleur, présence d'une insuffisance mitrale (IM) et d'un flux tourbillonnaire systolique dans la CCVG (Vmax > 2.5 m/s); on voit une zone d'accélération à l'entrée de la CCVG. C: aspect "en dague" du flux aortique au Doppler spectral, dû à la chute du volume systolique (courbe rétrécie) et à l'accélération du flux (subobstruction de la CCVG); le décrochage (flèche) est synchrone de la survenue su SAM. La Vmax est ici de 4 m/s. D: collapsus mésosystolique des cuspides aortiques en mode TM par effondrement du volume systolique dès que s'installe le SAM.
Cet effet CMO survient en général sur la combinaison de plusieurs phénomènes assez fréquents en clinique.
La surface et le volume étant liés entre eux par une relation linéaire indépendante de la compliance, la visualisation directe des cavités cardiaques par l’échocardiographie est une voie privilégiée pour l'appréciation du degré de remplissage cardiaque. En vue transgastrique court-axe du VG, la variation de la surface endocavitaire télédiastolique gauche (StdVG mesurée au moment de l’onde R de l’ECG) a une sensibilité de 90% et une spécificité de 80% pour le diagnostic de l’hypovolémie (Vidéos) [15]. La StdVG décroît linéairement de 0.3 cm2 par 1% de déficit en volume circulant lors d’hémodilution [1]. Elle est un excellent indicateur de l’évolution du remplissage ventriculaire (r = 0.9) (Figure 27.2) [1,16]. Cette relation entre la surface et la volémie est maintenue en cas d'hypertrophie ventriculaire concentrique, de dysfonction diastolique ou d’insuffisance cardiaque, alors que, dans ce cas, la PVC et/ou la PAPO sont anormalement élevées pour le même degré de remplissage [19]. Les valeurs minimales du VG en court axe en dessous desquelles l’hypovolémie est probable sont : diamètre télédiastolique < 2.2 cm/m2, surface télédiastolique < 6 cm2/m2 [18]. En télésystole, il arrive que les muscles papillaires se touchent (kissing papillary muscles) tant le volume résiduel est faible ; bien que très sensible (sensibilité 99%), ce signe n’est pas spécifique (spécificité 30%) parce qu’il survient dès que la postcharge est basse, notamment lors de vasoplégie ou de contre-pulsion intra-aortique [8].
Vidéo: vue court-axe transgastrique du VG chez un patient normovolémique.
Vidéo: vue court-axe transgastrique du VG chez le même patient, mais au cours d'un épisode d'hypovolémie; la surface endocavitaire est beaucoup plus petite; les piliers se touchent en systole. A noter l'absence de tachycardie.
Figure 27.2 : Evaluation de la volémie à l'ETO par mesure de la surface télédiastolique du VG (StdVG en cm2) en court-axe transgastrique. A : la relation entre cette surface et le déficit en volume lors d'hémodilution aiguë est linéaire. En bleu: courbe chez des individus normaux; en rouge: courbe chez des insuffisants cardiaques gauches [1]. B : mesures de dimensions du VG: dessin de la surface (pointillé bleu) telle qu'elle est recommandée, n’incluant pas les muscles papillaires; flèche rouge: diamètre de la cavité du VG. C : rétrécissement télésystolique de la cavité en hypovolémie ou lors de vasoplégie.
Toutefois, en elle-même, la corrélation de la Std avec le volume systolique est modeste (r = 0.6 – 0.75), entre autre parce que la surface télédiastolique normale est très variable: 6 – 20 cm2/m2 selon les individus [3,20]. En cas de vasoplégie, la surface et le volume télésystoliques deviennent également très petits, mais les valeurs télédiastoliques sont moins diminuées que dans l’hypovolémie. L’évaluation des dimensions est donc surtout efficace pour le suivi du même malade, mais non pour l’évaluation isolée de la précharge. Bien que certains pensent que seules de grandes différences de volume sont décelables à l'ETO, un anesthésiste-échocardiographeur expérimenté décèle de faibles variations de volume avec beaucoup de précision en observant l'évolution de la surface du VG en court-axe au cours d’une intervention chirurgicale [21].
Une mesure plus fiable du volume télédiastolique gauche peut être obtenue par la règle de Simpson: l'endocarde est dessiné au traceur ou par détection automatique des contours avec correction manuelle; la base est déterminée par le plan de l'anneau mitral. La cavité est divisée en 20 disques selon le long-axe du VG par le processeur, qui calcule le volume à partir de la somme de celui de chacun des 20 disques circulaires: V = (π / 4) • (Σ D1 + Σ D2) • (L / n), où n est le nombre de disques (20) et D1 et D2 sont les diamètres des disques dans le plan A et dans le plan B. Cette méthode est la mesure bidimensionnelle la plus appropriée pour le calcul du volume, mais elle doit être appliquée dans deux vues orthogonales (plan A 4-cavités 0° et plan B 2-cavités 90°, par exemple). La règle de Simpson a été bien validée pour calculer la fraction d'éjection, qui est le rapport entre les volumes mesurés, mais non pour calculer la valeur absolue du volume à cause de l'amputation de la partie apicale du VG. D’autres structures peuvent servir de marqueur au remplissage. Par exemple, la surface de la veine cave supérieure (VCS) est ≥ 2 cm2 ; en hypovolémie, elle devient inférieure à 1 cm2 (Figure 27.3).
Figure 27.3 : Evaluation bidimensionnelle de la volémie. A: vue court-axe basale de la veine cave supérieure et mesure de sa surface de section (ici 2.25 cm2). APD: artère pulmonaire droite. B: technique de mesure du volume ventriculaire gauche selon la règle de Simpson (ici 127 mL); l'endocarde est dessiné au traceur ou de manière semi-automatique; la base est déterminée par le plan de l'anneau mitral; la cavité est divisée en 20 disques le long du long-axe du VG. Le processeur calcule le volume à partir de la somme de celui de chacun des 20 disques circulaires.
En imagerie bidimensionnelle, la détermination du volume du VG n'est possible que par le biais d'approximations géométriques qui introduisent une marge d'erreur considérable. Au contraire, l'imagerie tridimensionnelle donne directement accès au volume de la cavité ventriculaire. L'acquisition est faite en vue mi-œsophage 0-120° en englobant la totalité du VG et en faisant attention de ne pas amputer l'apex. La définition de l'endocarde est semi-automatique. Les muscles papillaires ne sont pas pris en compte, comme dans les mesures 2D [6]. Une fois opérée la définition de l'endocarde, le système réalise off-line un moule tridimensionnel de la cavité et peut suivre son évolution au cours du cycle cardiaque (Vidéo). Ce calcul a une bonne corrélation avec la mesure de l’IRM, bien qu'il tende encore à sous-estimer le volume réel du VG (Figure 27.4) [5,13].
Vidéo: reconstruction 3D d'un moulage endocavitaire dynamique du VG au cours d'un cycle cardiaque; la courbe jaune au bas de l'écran représente l'évolution temporelle du volume ventriculaire.
Figure 27.4 : Calcul du volume ventriculaire gauche en 3D. A: reconstruction du VG et de l'OG à partir d'une vue transthoracique apicale. B: la détection automatique des contours de l'endocarde réalise un moule de la cavité du VG et calcule son volume en continu au cours du cycle cardiaque; l'évolution du volume est illustrée par la courbe jaune au bas de l'écran.
La comparaison entre la mesure 2D (règle de Simpson) et la reconstruction 3D montre que l'examen ETO 2D sous-estime systématiquement le volume d'au moins 6-10%; toutefois, cette infirmité ne suffit pas à modifier la répartition des cas en trois catégories de dilatation ventriculaire (normal, modéré ou sévère), ce qui est suffisant en clinique [12].
Obstruction dynamique de la CCVG
L’imagerie bidimensionnelle est le seul moyen de mettre en évidence un phénomène qui peut accompagner l’hypovolémie : l’obstruction dynamique de la chambre de chasse du VG ou effet CMO, par analogie avec la cardiomyopathie obstructive. Normalement, le point de coaptation de la valve mitrale est maintenu éloigné de la chambre de chasse par trois mécanismes: 1) il est situé au tiers postérieur du diamètre de la valve; 2) la paroi postérieure a moins de course radiaire que les parois antérieure et latérale; 3) la partie postéro-basale est activée électriquement en dernier (Vidéo). Lorsqu’elle s’élève en systole, la pression intraventriculaire maintient l’occlusion de la mitrale en appuyant les deux feuillets l’un contre l’autre par leurs bords distaux.
Vidéo: vue en reconstruction 3D depuis le VG de la chambre d'admission avec la valve mitrale (en-bas à l'écran) et de la chambre de chasse avec la valve aortique (en-haut). Le feuillet antérieur, qui pend librement dans le ventricule en diastole, forme la seule séparation entre les deux chambres. Si le VG devient trop petit, il peut facilement basculer dans la CCVG en systole.
Mais si la cavité du VG se rétrécit au point que la paroi postéro-basale se déplace vers l’avant, le point de coaptation de la mitrale avance en direction de la chambre de chasse du VG (CCVG); l’occlusion n’a plus lieu sur le bord distal des feuillets mais entre l'extrémité du feuillet postérieur et le corps du feuillet antérieur. La partie distale de ce dernier flotte alors dans la cavité du VG, et l'élévation de la pression intraventriculaire la repousse antérieurement en direction de la CCVG. Par effet Venturi, elle est ensuite aspirée dans la CCVG, qu'elle occlut plus ou moins complètement. C’est le SAM (systolic anterior motion), qui survient en méso-systole (Figure 27.5) [4,17].
Figure 27.5 : Obstruction dynamique de la CCVG. A : situation normale. Le point de coaptation des feuillets mitraux est situé au tiers postérieur du diamètre antéro-postérieur (flèches bleues); en systole, la course radiaire de la paroi postéro-basale (*) est plus faible que celle de la paroi antéro-latérale; elle est activée électriquement en dernier. B: si le VG devient très petit par hypovolémie, la paroi postérieure avance en direction de la CCVG (flèche violette), parce que la zone antérieure est la jonction mitro-aortique qui est un point fixe (trigone fibreux); le point de coaptation est alors projeté vers la CCVG. En protosystole, la coaptation a lieu entre l'extrémité du feuillet postérieur et le corps du feuillet antérieur, dont la partie distale se retrouve flottant dans le VG et non en application contre le feuillet postérieur. C : en mésosystole, la pression intraventriculaire pousse le feuillet antérieur en direction de la CCVG (flèche violette) où l'éjection a commencé; celui-ci est alors aspiré par effet Venturi (flèche bleu pâle) et vient bloquer la CCVG (SAM: systolic anterior motion). Le débit aortique baisse soudainement, et la réouverture de la valve mitrale provoque une insuffisance méso-télésystolique (IM). MPP: muscle papillaire postérieur.
A cause de la subobstruction provoquée par le SAM, la Vmax dans la CCVG dépasse 2.5 m/s [7,14]. Le flux baisse dans l’aorte et la réouverture de la mitrale en cours de systole induit une insuffisance méso-télésystolique. Ce phénomène est bien visible en 4 cavités ou en long axe du VG mi-oesophage (Vidéo). La chute du débit systolique en cours de systole ne permet plus à la valve aortique de rester ouverte. En mode TM de la valve aortique (40° ou 120°), on voit collaber les cuspides en cours de systole ; cette image est très pathognomonique. La vélocité du flux aortique augmente très rapidement en cours d’éjection et l’image spectrale prend une forme en dague (Figure 27.6) [9].
Vidéo: subobstruction de la chambre de chasse par le feuillet mitral antérieur déplacé vers l'avant (SAM) dans un cas d'hypertrophie du VG et d'hypovolémie. Le feuillet donne l'impression de se couder en mésosystole.
Figure 27.6 : Obstruction dynamique de la chambre de chasse du VG (CCVG). A: coudure du feuillet mitral antérieur qui bascule dans la CCVG en cours de systole (SAM: systolic anterior motion) en vue long-axe 140°. B: au Doppler couleur, présence d'une insuffisance mitrale (IM) et d'un flux tourbillonnaire systolique dans la CCVG (Vmax > 2.5 m/s); on voit une zone d'accélération à l'entrée de la CCVG. C: aspect "en dague" du flux aortique au Doppler spectral, dû à la chute du volume systolique (courbe rétrécie) et à l'accélération du flux (subobstruction de la CCVG); le décrochage (flèche) est synchrone de la survenue su SAM. La Vmax est ici de 4 m/s. D: collapsus mésosystolique des cuspides aortiques en mode TM par effondrement du volume systolique dès que s'installe le SAM.
Cet effet CMO survient en général sur la combinaison de plusieurs phénomènes assez fréquents en clinique.
- Hypertrophie concentrique du VG avec une cavité ventriculaire rétrécie et une forte contractilité (hypertension artérielle chronique, sténose aortique).
- Hypovolémie, qui diminue la taille de la cavité du VG.
- Stimulation catécholaminergique béta, qui renforce la contractilité et provoque un raccourcissement radiaire excessif de la paroi postérieure.
- Baisse de la postcharge (vasoplégie, remplacement d'une sténose aortique serrée par une prothèse, contrepulsion intra-aortique), qui augmente le gradient systolique à travers la valve aortique, donc élève la vélocité d’éjection.
- Plastie mitrale avec pose d’un anneau restrictif qui ramène l’appareil mitral postérieur vers l’avant.
L’effet CMO entraîne un bas débit systémique sans baisse de la PAPO, à cause de l’insuffisance mitrale. Dans ce contexte, il est difficile de comprendre sans échocardiographie que le traitement est un remplissage accéléré, un arrêt des amines β, une vasoconstriction et éventuellement un β–blocage [11]. Ce phénomène peut aussi se rencontrer à droite, parce que la chambre de chasse du VD est plus richement dotée en récepteurs β que le reste du ventricule et sa réponse inotrope aux catécholamines est plus importante. Une obstruction dynamique de la chambre de chasse droite, avec un gradient > 25 mmHg, survient dans 1-4% des cas d’instabilité hémodynamique accompagnée d’hypovolémie et de stimulation catécholaminergique [2].
© CHASSOT PG, BETTEX D. Novembre 2011, Août 2019; dernière mise à jour, Mars 2020
Références
Indices 2D/3D en hypovolémie |
Cavités cardiaques de petite surface (diminution du volume de remplissage) Dimensions réduites de la surface du VG en court-axe (< 6 cm2/m2) Surface réduite de la veine cave supérieure Parois flasques et mobiles Oscillations excessives du septum interauriculaire Risque de subobstruction dynamique de la CCVG en cas d'HVG concentrique (effet CMO) |
© CHASSOT PG, BETTEX D. Novembre 2011, Août 2019; dernière mise à jour, Mars 2020
Références
- CHEUNG AT, SAVINO JS, WEISS SJ, et al. Echocardiographic and hemodynamic indexes of left ventricular preload in patients with normal and abnormal ventricular function. Anesthesiology 1994; 81:376-87
- DENAULT AY, CHAPUT M, COUTURE P, et al. Dynamic right ventricular outflow tract obstruction in cardiac surgery. J Thorac Cardiovasc Surg 2006; 132:43-9
- GREIM CA, ROEWER N, APFEL C, et al. Relation of echocardiographic preload indices to stroke volume in critically ill patients with normal and low cardiac index. Intensive Care Med 1997; 23:411-6
- HENSLEY N, DIETRICH J, NYHAN D, et al. Hypertrophic cardiomyopathy: a review. Anesth Analg 2015; 120:554-69
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