A partir de 50 ans, 38% de la population occidentale souffre d’athéromatose aortique [4,10]. Les facteurs de risque sont l’âge, le diabète, la coronaropathie, l’artériopathie périphérique et la maldie calcifiante. La répartition anatomique des athéromes n'est pas uniforme [13].
- Racine aortique: 4%;
- Aorte ascendante: 17%;
- Crosse aortique: 18%;
- Aorte descendante 32%;
- Dans 30% des cas, les lésions sont multiples.
Bien qu'il en existe plusieurs classifications, les athéromes sont habituellement classés en six catégories (Vidéos) (Figures 27.101 et 27.102) [7].
- 1 – Paroi épaissie de 2-3 mm;
- 2 – Epaississement laminaire et lisse de 3 – 5 mm;
- 3 – Athéromes irréguliers jusqu’à 5 mm;
- 4 – Protrusions irrégulières et sessiles de > 5 mm;
- 5 – Athérome mobile (quelle que soit sa taille);
- 6 – Aorte porcelaine.
Vidéo: gros athérome protrudant de > 5 mm dans la lumière de l'aorte thoracique descendante.
Vidéo: lésion mobile sur un athérome en vue court-axe de l'aorte descendante.
Vidéo: lésion mobile sur un athérome en vue long-axe de l'aorte descendante.
Figure 27.101 : Schéma de la classification des athéromes aortiques. 1: paroi épaissie. 2: épaississement laminaire lisse de < 5 mm. 3: athérome irrégulier < 5 mm. 4: protrusion athéromateuse > 5 mm. 5: athérome mobile. 6: aorte "porcelaine".
Figure 27.102 : Images ETO d'athéromes aortiques. A et B: athéromes de degré 4 de l'aorte descendante. La paroi, qui est épaissie et calcifiée, a un aspect bosselé avec une protrusion d’athéromes fixes mesurant > 5 mm (flèches rouges). C et D: athérome mobile dans l’aorte descendante en vue court-axe (A) et long-axe (B); il est fixé sur une plaque de 5 mm d’épaisseur faisant protrusion dans la lumière et probablement ulcérée.
L'aorte porcelaine est une lésion calcifiante diffuse de l'intima et de la media, englobant toute la paroi de l'aorte ascendante de manière circonférentielle, bien visible au CT-scan et à l'échographie épiaortique peropératoire, mais plus difficile à interpreter à l'ETO. Le risque d'AVC est de l'ordre de 20% lors du clampage et de la canulation aortique [1,9]. La préférence va donc à une canulation artérielle périphérique (fémorale, sous-clavière), à une technique à cœur battant, à des pontages aorto-coronariens tout artériels (no touch technique) ou à une intervention valvulaire par cathétérisme.
L'athéromatose aortique est la première cause d’embolie et de séquelles neurologiques en CEC. Lorsqu’un athérome est visible à l’ETO dans l’aorte ascendante, le risque d’AVC est de 10-12%. Le risque d’embolie cérébrale ou viscérale augmente jusqu'à 45% lorsque la plaque est mobile [4,10]; il est de 35% pour les plaques localisées dans la moitié distale de l'aorte ascendante, qui est précisément la zone aveugle de l'ETO [13]. Les manipulations et les clampages de l’aorte ascendante sont à l'origine de la moitié des embols détectés au Doppler transcrânien [12]. L'autre moitié est liée à l'effet de sablage sur la paroi adjacente du sang débité à haute vélocité par la canule aortique de CEC; ceci peut à lui seul détacher une pluie de micro-embols athéromateux tout au long de l’opération (Figure 27.103) [2,6]. La découverte de lésions athéromateuses dans l’aorte ascendante à l’examen pré-CEC (Figure 27.104) peut obliger à modifier la stratégie chirurgicale : changement de site de canulation (canulation sous-clavière droite ou fémorale), opération à coeur battant, pontage tout-artériel (pas de clampage aortique), canule avec filtre-panier, éventuellement opération en hypothermie profonde avec arrêt circulatoire. La canulation fémorale est la plus aisée mais présente un risque en cas d’athéromatose de l’aorte descendante et abdominale. En effet, les plaques sont disposées sur la paroi aortique dans le sens du flux sanguin, comme les tuiles d’un toit. Une perfusion rétrograde peut soulever des fragments de ces plaques et provoquer des embolies viscérales et cérébrales. S'il s’infiltre entre les plaques, le flux sanguin peut également provoquer une dissection aortique aiguë de type B qui s’étend fréquemment à tout le vaisseau (voir Figure 27.120).
Figure 27.103 : Risques de l'athéromatose aortique en CEC. Le clampage occlut l'aorte quelques centimètres au-dessus de la jonction sino-tubulaire et peut fracturer une plaque localisée à cet endroit. L'effet de sablage du jet provenant de la canule artérielle de CEC érode les plaques situées dans l'aorte ascendante distale, malheureusement invisibles à l'ETO. En cas de canulation fémorale, le flux de CEC est rétrograde (flèche rouge); il peut s'infiltrer entre les plaques et provoquer une dissection aiguë.
Figure 27.103 : Risques de l'athéromatose aortique en CEC. Le clampage occlut l'aorte quelques centimètres au-dessus de la jonction sino-tubulaire et peut fracturer une plaque localisée à cet endroit. L'effet de sablage du jet provenant de la canule artérielle de CEC érode les plaques situées dans l'aorte ascendante distale, malheureusement invisibles à l'ETO. En cas de canulation fémorale, le flux de CEC est rétrograde (flèche rouge); il peut s'infiltrer entre les plaques et provoquer une dissection aiguë.
Figure 27.104 : Images d’athéromatose calcifiée de l’aorte ascendante. Ce type de lésion oblige à bien choisir le site de canulation ou à modifier la stratégie de CEC.
La sensibilité et la spécificité de l’ETO pour les lésions de l’aorte descendante sont excellentes, mais la technique est moins performante pour la crosse et l’aorte ascendante distale: dans ces deux dernières localisations, la sensibilité n’est que de 21%, même si la spécificité est de 99% [16]. L’interposition de la trachée et de la bifurcation des bronches-souches entre l’oesophage et l’aorte, qui crée une zone aveugle à l’ETO depuis le croisement de l’artère pulmonaire droite jusqu’au tronc brachio-céphalique, empêche de visualiser ces deux zones. Or ces zones sont la localisation préférentielle des athéromes. Pour en améliorer le dépistage, la technique la plus élégante est l’échographie épiaortique (voir ci-dessous), mais on peut aussi contourner le problème en introduisant dans la bronche-souche gauche, via le tube endotrachéal, un ballon monté sur une cathéter que l’on remplit de 20-50 mL de NaCl une fois en place. Ce système rétablit la vision sur toute la longueur de l’aorte, mais supprime toute possibilité de ventilation ; l’examen doit donc se dérouler pendant 1-2 minutes d’apnée ou une fois en CEC [14,16]. En utilisant la vue long-axe 90° avec la sonde retirée dans le haut œsophage, on peut investiguer la présence d’athéromatose dans 1-2 cm supplémentaires de l’aorte ascendante distale. La sensibilité de cette vue particulière pour détecter les athéromes est de 95% et sa spécificité de 79% ; la valeur prédictive négative est de 97% [15]. Plus simplement, on sait que dans 35% des cas d’athéromatose de l’aorte descendante on retrouve le même type de lésion dans l’aorte ascendante [8]. La découverte d'athéromes dans la descendante doit donc faire suspecter la présence de lésions identiques dans l'ascendante et la crosse.
L’athérome peut parfois pénétrer la paroi aortique et térébrer à travers toute son épaisseur (voir Figure 18.9). Il peut être le précurseur d'une dissection aortique localisée, d’une rupture de l’externa ou d'un hématome intrapariétal [5]. Il se manifeste essentiellement dans l’aorte descendante. L’hématome intrapariétal est une complication majeure de l’athéromatose. Il survient en général sur une plaque ulcérée et consiste en une dissection plus ou moins circulaire de l’aorte. La paroi mesure 7-15 mm d’épaisseur; elle a un aspect lamellé ou vacuolaire, mais ne contient pas de flux au Doppler couleur. C’est une lésion dangereuse dont le traitement est chirurgical, car le risque de rupture ou de dissection est de 46% à 30 jours [11].
Figure 18.9 : Lésions pariétales aortiques. A : dissection ; une membrane sépare la vraie et la fausse lumières ; l’origine est une déchirure intimale. B : une plaque athéromateuse ulcérée pénètre dans la paroi aortique et érode les couches ; elle peut provoquer une dissection ou une rupture. C : hématome intrapariétal sur rupture de vasa vasorum ; il cause une dissection au sein de la paroi mais sans contact avec le flux sanguin [3].
Athéromatose de l’aorte thoracique |
Facteurs de risque : âge > 50 ans, diabète, vasculopathie périphérique
Aorte descendante : examen aisé ; 1/3 des patients a les mêmes lésions dans l’aorte ascendante
Aorte ascendante : examen moins sensible car amputation de la moitié distale de l’aorte ascendante et de la moitié proximale de la crosse (zone aveugle); si doute ; échographie épiaortique
Classification des athéromes (risque embolique croissant)
1 - Paroi lisse épaissie < 3 mm ;
2 - Epaississement lisse de 3 – 5 mm ;
3 - Athéromes irréguliers jusqu’à 5 mm ;
4 - Athéromes sessiles > 5 mm ;
5 - Athéromes mobiles (quelle que soit la taille)
6 - Aorte porcelaine
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Messages pour le chirurgien en cas d’athéromatose aortique |
Localisation, taille et mobilité des athéromes
Aorte ascendante et descendante
Proposition de modification des sites de canulation
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© CHASSOT PG, BETTEX D. Novembre 2011, Août 2019; dernière mise à jour, Mars 2020
Références
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