25.2.1 Physique des ultrasons

Il est nécessaire de comprendre quelques principes de base du fonctionnement des échocardiographes pour en obtenir des images satisfaisantes, pour en connaître les limites et pour ne pas se laisser leurrer par des artéfacts [2,3,4]. Les ultrasons (US) sont des ondes de pression (vibrations mécaniques) qui se propagent dans des milieux suffisamment denses pour transmettre les oscillations rapides qu’ils provoquent (Figure 25.1) [1].


Figure 25.1 : Onde de pression. L'oscillation se propage dans le milieu sous forme d'une alternance de compression (pic de pression) et de dépression (nadir de pression). La longueur d'onde (λ, en violet) est définie par l'espace entre deux pics ou deux nadirs de pression. L'amplitude de l'onde (A, en rouge) caractérise sa puissance. L'échographe envoie des trains d'onde dont chaque élément est caractérisé par sa durée (D); la cadence d'émission de chaque paquet de 3-5 cycles est définie par la durée de la période de répétition (PR). La durée d'émission du paquet d'ondes est très courte (0.5-3.0 μs), alors que la période de répétition est beaucoup plus longue (0.1-1.0 ms), parce que l'appareil passe 99% du temps en attente de la réception.

Une onde vibratoire est définie par une formule simple :

    c  =  f  •  λ    où c est la vitesse de déplacement, f la fréquence et λ la longueur d’onde

Dans les tissus mous du corps humain, les US cheminent à une vitesse (c) moyenne de 1’540 m/s, soit 6.5 μs pour 1 cm [6]. Les fréquences d’émission utilisées s’échelonnent entre 1 et 12 MHz (1 Hz = 1/s). La longueur d'onde (λ) et la fréquence (f) varient de manière réciproque, puisque la vitesse (c) est une constante: une fréquence de 2.5 MHz correspond à une longueur d'onde de 0.6 mm et une fréquence de 15 MHz à une longeur d'onde de 0.1 mm. Comme la longueur d’onde doit être inférieure à la distance séparant deux objets pour qu’ils apparaissent séparés, la résolution spatiale augmente si la longueur d’onde est faible et si la fréquence d’émission est élevée. Pour les sondes ETO de 4-8 MHz, la résolution spatiale dans l’axe des US est de l’ordre de 1 mm. La résolution latérale (perpendiculaire aux US) est définie par le nombre de lignes de balayage sur l’écran (en moyenne 1024 lignes pour un champ de 90°) (Figure 25.2).



Figure 25.2 : Résolution spatiale en ETO. La résolution axiale dépend de la longueur d'onde; elle est < 1 mm. La résolution latérale est tributaire du nombre de lignes de balayage; elle est de 1-3 mm. Une structure fine comme la partie membranaire du septum interventriculaire (flèche rouge) peut être imvisible si elle est suffisamment mince pour passer entre deux lignes d'analyse. D'autre part, l'écho est plus intense lorsque la structure est perpendiculaire aux ultrasons que lorsqu'elle leur est parallèle. Ces phénomènes expliquent que le septum membraneux puisse apparaître comme un orifice vide en vue 4-cavités.

L’amplitude de l’onde vibratoire représente son intensité ; elle s’exprime en décibels (dB) selon une échelle logarithmique : augmenter l’intensité de 3 dB double la puissance. Les échos ont une intensité qui dépend de la densité acoustique du tissu : les zones calcifiées ou les matériaux métalliques donnent les échos les plus intenses.

Les ultrasons ont la propriété de cheminer dans les tissus à la manière de rayons : ils peuvent être dirigés en faisceau, sont réfléchis par les solides et les tissus mous, et perdent progressivement de l’énergie en traversant les substrats. Cette atténuation est très marquée dans l’air où les US n’ont pratiquement pas de pénétration, alors qu’elle est faible dans les liquides où ils sont très bien transmis. La distance de demi-atténuation (perte de 50% de la puissance) est de < 1 mm dans l'air et de 0.5 cm dans l'os, mais de 4 m dans l'eau [6].

L'image à l'écran est formée par la réflexion des ultrasons à l'interface entre deux milieux d'impédance acoustique différente. Les tissus ne sont pas des surfaces perpendiculaires qui renvoient la totalité de l’énergie reçue (réflexion spéculaire), mais des réflecteurs de géométrie complexe (réflexion par dispersion) (Figure 25.3). Une partie des échos renvoyés est dispersée dans toutes les directions, et seule une petite portion retourne vers le capteur. Comme les tissus absorbent une part de l'énergie émise par friction et dispersion, l'onde s'atténue en cheminant dans les structures; la perte d'énergie est de 0.5 dB/cm [5]. Cette atténuation avec la profondeur est d’autant plus importante que la longueur d’onde est plus courte. En réglant la fréquence d’émission de la machine à des valeurs basses (4 MHz), on aura une meilleure lecture des zones profondes (> 12 cm) mais on perdra sur la résolution spatiale. Avec des fréquences hautes (8 MHz), au contraire, on augmentera la précision, mais on aura une moins bonne image des éléments profonds.


Figure 25.3 : Différents modes de réflexion des ultrasons (US). La réflexion spéculaire est typique d'une surface plane et lisse, perpendiculaire aux US; si elle présente un angle < 90°, le rayon est réfléchi avec le même angle et ne parvient pas au capteur; il n'y a pas d'image. La dispersion est typique des tissus biologiques qui sont des structures complexes et qui présentent de multiples petites surfaces de réflexion; seule une partie des rayons revient vers le capteur pour donner une image. L'atténuation est fonction de la longueur du trajet dans les tissus; les structures distantes sont donc moins bien visualisées que celles qui sont proches. La réfraction a lieu à la surface de deux matériaux d'impédance acoustique différente, dans lesquels la vitesse de propagation des US n'est pas la même; l'angle de rélexion est identique à celui fait par le faisceau d'US et la surface de l'objet. Le changement de direction du train d'ondes donne sur l'écran une image d'un objet situé en réalité en-dehors de la direction du faisceau émis.

Effets biologiques

L'énergie libérée par les ultrasons en traversant les tissus est exprimée en mW/cm2; elle est proportionnelle au carré de l'amplitude de l'onde, à la durée d'émission et à la puissance de celle-ci; elle augmente avec l'utilisation du Doppler. Elle est au maximum de 100-200 mW/cm2, ce qui est le dixième de l'énergie délivrée par le soleil au niveau de la mer. Le pic de son intensité est défini par l'index mécanique (MI, mechanical index) calculé par le pic de pression négative divisé par la racine carrée de la fréquence; cet index varie de 0.1 à ≥ 0.5 dans l'utilisation clinique [7]. Bien qu'aucun effet biologique ne soit décelable à la puissance maximale, il est recommandé d'utiliser des niveaux d'émission faibles, de ne pas laisser fonctionner le Doppler indument, et d'interrompre l'émission (freeze) entre les périodes d'observation. Les appareils sont d'ailleurs limités à une puissance d'émission maximale de 720 mW/cm2. Les ultrasons médicaux ont trois effets physiques dans les tissus.
 
  • Dégagement thermique: confiné dans l'œsophage, le transducteur peut progressivement libérer de la chaleur en cas d'utilisation continue. Un capteur de température situé dans la sonde interrompt l'émission en cas de surchauffe. Il est possible de modifier le seuil d'interruption lors du réchauffement de CEC ou lorsque le patient est fébrile.
  • Cavitation: la décompression qui a lieu au nadir de pression de l'onde peut faire passer en phase gazeuse des gaz dissous dans le sang ou les tissus.
  • Lithotripsie: l'énergie libérée dans les solides au pic de pression de l'onde est susceptible de faire éclater des objets très rigides.
 
Les ultrasons
Les ultrasons sont des vibrations mécaniques transmises dans les solides et les liquides. Leur vitesse de propagation moyenne dans les tissus (c) est de 1'540 m/s; c'est le produit de la fréquence et de la longueur d'onde (c = f • λ).

Plus courte est la longueur d'onde, plus petits sont les objets discernables. La résolution axiale augmente lorsque la longueur d'onde est faible, donc lorsque la fréquence d'émission est élevée, mais la pénétration en profondeur diminue au fur et à mesure que la fréquence s'accroît. La résolution latérale est fonction du nombre de lignes de balayage.
 
 
© CHASSOT PG, BETTEX D. Mars 2011, Avril 2019; dernière mise à jour, Mars 2020


Références
 
  1. BARRICK BP, PODGOREANU MV, PROKOP EK. Physics of ultrasound imaging. In: MATHEW JP, SWAMINATHAN M, AYOUB CM. Clinical manual and review of transesophageal echocardiography, 2nd edition. New York: McGraw-Hill 2010, 1-15
  2. BETTEX D, CHASSOT PG. Echocardiographie transoesophagienne en anesthésie-réanimation. Paris: Masson, Williams & Wilkins, 1997, 13-39
  3. BETTEX DA, CHASSOT PG, ROMBERG P. Physikalische Grundlagen der Echokardiographie. In: SEEBERGER MD, ed. Die Echokardiographie im perioperativen und intensivmedizinischen Bereich. Darmstadt: Steinkopff  2007, 1-25
  4. CHASSOT PG. Physical principles of ultrasound. In: POELAERT J, SKARVAN K, eds. Transoesophageal echocardiography in anaesthesia and intensive care medicine. 2nd ed. London: BMJ Books, 2004, 1-22
  5. GARBI M, D'HOOGE J, SHKOLNIK E. General principles of echocardiography. In: LANCELOTTI P, ZAMORANO JL, HABIB G, BADANO L. The EACVI Textbook of echocardiography. Oxford: Oxford University Press, 2017, 1-14
  6. GOLDMAN DE, JUETER DF. Tabular data of the velocity and absorption of high frequency sound in mammalian tissue. J Acoust Soc Am 1956; 28:35-9
  7. SKORTON DJ, COLLINS SM, GREENLEAF JF, et al. Ultrasound bioeffects and regulatory issues: an introduction for the echocardiographer. J Am Soc Echocardiogr 1988; 1:240-51