Le but premier de l'intervention est de prévenir le décès. Dans les anévrysmes, on résèque la zone dilatée jusque dans le tissu sain. Dans les dissections, on vise à contrôler l'orifice d'entrée, mais non les orifices de sortie ni la totalité de la fausse lumière, qui restent momentanément perméables dans 60-80% des cas [1,4]. Le pronostic à long terme est plus réservé pour les cas dont la fausse lumière ne thrombose pas. Selon les circonstances, le chirurgien peut procéder à plusieurs interventions différentes.
- Plastie de réduction au cours d'une intervention sur la valve aortique.
- Remplacement de l'aorte ascendante (tube-graft), plus ou moins étendu vers la crosse (Figure 18.21). Si le remplacement est court, il reste suffisamment d’espace entre le clamp aortique et le tronc brachiocéphalique (TBC) pour la canule artérielle de CEC. Si au contraire le remplacement est très étendu, le clamp est placé à proximité du TBC et peut en restreindre le flux. Il peut aussi arriver que l’anastomose distale doive se faire à ciel ouvert en arrêt circulatoire complet ; la perfusion cérébrale peut alors être assurée par une canulation sous-clavière droite (voir Figure 18.25). Lorsqu'une dissection A s'étend jusque dans l'aorte distale, on peut réaliser une large fénestration de la membrane pour assurer un flux optimal dans les deux lumières, afin de perfuser les vaisseaux issus de la vraie et de la fausse lumière.
- Remplacements séparés de l'aorte ascendante par un tube de Dacron et de la valve aortique par une prothèse en cas d’IA sévère ou de lésion de la valve aortique. Cette opération est possible lorsque les dimensions de l’anneau aortique, des sinus de Valsalva et de la jonction sino-tubulaire sont normales (Figure 18.20).
Figure 18.20 : Schéma des interventions sur l’aorte ascendante. A : en cas de pathologie de l’aorte et de la valve aortique, on peut remplacer séparément la partie tubulaire de l’aorte par un tube en Dacron™ et la valve par une prothèse (mécanique ou biologique) ; les coronaires restent en place. Ceci n’est possible que si l’ETO peropératoire démontre que les diamètres de l’anneau valvulaire, des sinus de Valsalva et de la jonction sinutubulaire sont normaux. B : si la valve aortique ne fuit pas ou ne présente qu’une insuffisance mineure-à-modérée, on ne remplace que la partie tubulaire de l’aorte (IA ≤ degré II).
- Si l'anneau aortique, la jonction sino-tubulaire et l'aorte ascendante sont dilatés, on remplace en bloc l'aorte ascendante, l'anneau et la valve aortiques, et on réimplante les coronaire dans la prothèse (opération de Bentall) (Figure 18.21); parfois la réimplantation des coronaires se fait au moyen d'un tube séparé (opération de Cabrol).
Figure 18.21 : Opérations pour dilatation de la racine de l’aorte. Dans l’opération de Bentall, la prothèse comprend, d'un seul tenant, une valve prosthétique mécanique ou biologique et un tube. L'intervention consiste à remplacer la valve aortique et l'aorte ascendante, et à réimplanter la coronaire droite et le tronc commun dans la prothèse. Dans le cas présent, l'anastomose distale sur la partie proximale de la crosse est réalisée à clamp ouvert en arrêt circulatoire. Par cette ouverture, on peut réaliser une large fenestration de la membrane pour assurer un flux optimal dans les deux lumières. Un matelassage de l'orifice de la crosse permet de plaquer ensemble la paroi aortique et la membrane de la dissection pour isoler la fausse lumière distalement.
- Remplacement de l'aorte et plastie de suspension des valvules aortiques si ces dernières sont normales et si l'IA est due à une simple dilatation des sinus de Valsalva qui tire les commissures de chaque valvule vers l’extérieur (estimation par l'ETO peropératoire) (voir Chapitre 11, Autres plasties valvulaires). Ceci est réalisé de deux manières différentes.
- Opération de Yacoub (Figure 18.22): la partie proximale de la prothèse est découpée comme un trèfle à trois feuilles et s’insinue dans chaque sinus de Valsalva pour le rétrécir ; les troncs coronariens sont réimplantés à leur place dans la prothèse.
Figure 18.22 : Opérations pour dilatation de la racine de l’aorte. L’opération de Yacoub consiste à découper la partie proximale de la prothèse comme un trèfle à trois feuilles qui s’insinue dans chaque sinus de Valsalva ; ceci permet de resuspendre la valve aortique et de diminuer la fuite due à l’écartement des commissures entraînées vers l’extérieur par la dilatation des sinus. Les troncs coronariens sont réimplantés à leur place dans la prothèse. La valve aortique n’est pas remplacée.
- Opération de Tirone David (Figure 18.23): la prothèse tubulaire est implantée de l'extérieur sur l’anneau aortique, les commissures de la valve aortique sont suspendues à l’intérieur de la prothèse et les coronaires sont réimplantées; le risque de dilatation secondaire est moindre qu’avec l’opération précédente.
Figure 18.23 : Opérations pour dilatation de la racine de l’aorte. Dans l’opération de Tirone David, la prothèse tubulaire est implantée sur l’anneau aortique, les commissures de la valve aortique sont suspendues à l’intérieur de la prothèse et les coronaires sont réimplantées. Le risque de dilatation secondaire est moindre qu’avec l’opération de Yacoub. La valve aortique n’est pas remplacée.
- Opération de Ross (Figure 18.24): explantation de la valve pulmonaire en position aortique après résection de la valve aortique pathologique, et mise en place d'une homogreffe ou hétérogreffe en position pulmonaire.
Figure 18.24 : Opération de Ross. Après ablation de la valve aortique lésée, on prélève la valve pulmonaire avec un manchon d'artère pulmonaire et de chambre de chasse droite. La valve pulmonaire explantée est ensuite réimplantée en position aortique; les artères coronaires sont réinsérées dans la nouvelle racine aortique. La valve pulmonaire est remplacée par une homogreffe ou une hétérogreffe.
L'intervention se fait par sternotomie. La canulation artérielle de CEC est placée dans l'artère fémorale (en général gauche), dans l’artère sous-clavière droite ou dans l'aorte ascendante distale si la situation anatomique le permet (voir Figure 18.25). La canule veineuse est placée dans l'oreillette droite ou dans la veine fémorale. La mortalité opératoire est de 1.5 à 5% (moyenne 3%) pour les anévrismes et de 8-15% (moyenne 10%) pour les dissections [2,3,5,6,8].
Les complications postopératoires classiques sont les suivantes:
- Hémorragie, tamponnade;
- Infarctus myocardique;
- Accident vasculaire cérébral (AVC, incidence 1-3%);
- Insuffisance ventriculaire gauche aiguë;
- Insuffisance aortique résiduelle.
La longue durée du clampage aortique crée un problème de préservation myocardique, d'où la nécessité d'une cardioplégie itérative par canulation coronarienne directe séparée (canules de Spencer). Malgré tout, la souffrance myocardique est fréquente, et se traduit pas une insuffisance ventriculaire au sortir de CEC; le soutien catécholaminergique doit être important. La fragilité des anastomoses et la friabilité des tissus (particulièrement chez les malades souffrant de syndrome Marfan) commande de maintenir la PAM entre 60 et 70 mm Hg dans le postopératoire, dans la mesure où le débit cardiaque et la perfusion rénale sont satisfaisants. En cas de réimplantation coronarienne (opération de Bentall, de Yacoub ou de Tirone David), le risque ischémique postopératoire est significatif.
En cas de lésions athéromateuses étendues, friables (aorte porcelaine) ou pendulaires de l'aorte ascendante, il est recommandé de changer de stratégie chirurgicale pour la canulation aortique, car le risque d'embolies et d'AVC est excessif dans ces conditions [7,9]:
- Utilisation d'une canule aortique avec filtre déployable (Embol-X™);
- Canulation artérielle fémorale;
- Canulation artérielle sous-clavière droite;
- Pas de canulation de cardioplégie ni de clampage aortique: opération à coeur battant ou en fibrillation ventriculaire;
- Pour les pontages aorto-coronariens: greffes artérielles multiples à partir des artères mammaires, épiploïques, sous-clavière ou aorte descendante évitant toute manipulation de l'aorte.
Lorsque l’opération comporte la mise en place d’une prothèse valvulaire mécanique, l’anticoagulation est nécessaire à vie ; dans le cas d’une bioprothèse, l’anticoagulation n’est prescrite que pour 3 mois. Pour les prothèses tubulaires et les plasties, seule l’aspirine est recommandée.
Chirurgie de l'aorte ascendante |
L'opération consiste à remplacer l'aorte ascendante par une prothèse tubulaire en Dacron™. Elle comporte différentes variantes selon l'état de la valve aortique et l'extension vers la crosse.
- Tube simple suturé à la jonction sino-tubulaire et à distance du tronc brachio-céphalique
- Resuspension de la valve aortique en cas d'IA à feuillets valvulaires normaux
- Prothèse tubulaire et prothèse valvulaire aortique séparées
- Prothèse comprenant en-bloc une valve aortique mécanique ou biologique (Bentall), avec réimplantation des coronaires
- Anastomose distale à ciel ouvert en arrêt circulatoire total et hypothermie profonde
Intervention par sternotomie, canulation veineuse de CEC dans l'OD, canulation artérielle dans l'aorte ascendante distale (si possible), dans l'artère sous-clavière droite ou dans une artère fémorale.
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© CHASSOT PG, TOZZI P, BETTEX D, Octobre 2010, Dernière mise à jour, Avril 2018
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