Les indices de la phase isovolumétrique présentent l’avantage d’être indépendant de la postcharge, puisqu’on les mesure avant l’ouverture de la valve aortique.
Pente de l’insuffisance mitrale
Lorsque la valve mitrale fuit, la régurgitation débute dès que la pression intraventriculaire dépasse celle de l’OG (5-10 mmHg) ; la pente ascensionnelle du flux de l’insuffisance mitrale (IM) est donc fonction du dP/dt isovolumétrique tant que la valve aortique ne s’est pas encore ouverte, donc tant que la pression ventriculaire est inférieure à la pression diastolique (60-80 mmHg). Lorsqu’une IM est présente, on mesure le temps nécessaire à sa vélocité pour passer de 1 m/s et 3 m/s sur l’affichage spectral. Ces deux points correspondent respectivement à 4 et 36 mmHg de gradient de pression entre le VG et l’OG, puisque l’équation simplifiée de Bernouilli spécifie que ΔP = 4 V2. En traçant la pente de l’IM entre 1 et 3 m/s, on détermine le temps nécessaire à augmenter la pression de 32 mmHg (36 – 4) dans le VG (Figure 25.177). La valeur normale est 1’200-2'000 mmHg/s et la durée normale < 27 ms. Cette valeur a une bonne corrélation avec le dP/dt intraventriculaire (r = 0.87) [7]. Des valeurs < 1'000 mmHg/s ou > 32 ms sont des signes de défaillance du VG.
Figure 25.177 : Flux d'une insuffisance mitrale (IM) et calcul du dP/dt de la phase de contraction isovolumétrique par la pente de l'IM (trait jaune) dans le cas d’une fonction normale (A) et en cas de dysfonction ventriculaire gauche (B). On mesure le Δt entre 1 m/s et 3 m/s de vélocité; ces deux points correspondent respectivement à 4 et 36 mmHg de ΔP (équation de Bernouilli: ΔP = 4 V2) entre le VG et l’OG. La valeur normale est ≥ 1’200 mmHg/s, soit moins de 27 ms pour une augmentation de pression de 32 mmHg.
Mouvement de l’anneau mitral
On peut examiner la vélocité de déplacement de l’anneau mitral en plaçant la fenêtre du Doppler pulsé réglé en mode tissulaire (voir Doppler tissulaire) sur sa partie latérale, septale (4-cavités, 0°) ou antérieure (2-cavités, 90°). On y observe une vitesse de déplacement systolique S’ > 8 cm/s au niveau septal et > 10 cm/s au niveau latéral. Ce mouvement est précédé d’un bref pic de vélocité qui représente la contraction isovolumétrique (Figure 25.178) [1]. La quantification de ce dernier mouvement est toutefois imprécise en mode Doppler standard ; la mesure de l’accélération isovolumétrique en mode strain rate est plus fiable (voir Indices myocardiques tissulaires).
Figure 25.178 : Examen au Doppler tissulaire de la vélocité des mouvements systolo-diastoliques de l'anneau mitral dans sa portion latérale. A : image spectrale de la vélocité des mouvements de l'anneau enregistrés dans la fenêtre d'examen; CI: contraction isovolumétrique; S': descente systolique de la contraction éjectionnelle, normalement ≥ 10 cm/s; E’: mouvement protodiastolique; A’: mouvement de la contraction auriculaire en télédiastole. B : représentation schématique de la vitesse de déformation de l'anneau au cours d'un cycle cardiaque (strain rate); le trait rouge est la pente de la contraction isovolumétrique qui permet d'en calculer l'accélération [6].
Indice de Tei
L’indice de Tei, ou indice de performance myocardique (MPI, myocardial performance index), prend en compte les 3 phases consommatrices d’O2 du cycle cardiaque : la contraction isovolumétrique (CI), l’éjection (Ej) et la relaxation isovolumétrique (RI) ; il compare la durée (en ms) des phases isovolumétriques avec celle de l’éjection : (CI + RI) / Ej (Figure 25.179). Bien qu'il ne soit pas à proprement parler un indice isovolumétrique, il est classé ici car, étant peu dépendant de la postcharge, il est trop différent des indices éjectionnels habituels pour faire partie de ceux-ci. Il s'améliore lorsque la précharge augmente et se péjore en hypovolémie, selon le principe de Frank-Starling [4]. Il est indépendant de la géométrie du VG, puisqu'il ne comprend aucune mesure dimensionnelle; il reste fonctionnel dans les valvulopathies et dans les remodelages ventriculaires. Il a une bonne valeur prédictive pour la dysfonction ventriculaire post-CEC [2]. Par contre, il est affecté par la ventilation en pression positive avec PEEP; lorsque celle-ci est de 15 cm H2O, l'indice de Tei augmente de 50% [4]. Il traduit très fidèlement la dysfonction passagère causée au VG par le clampage aortique lors d’une cure d’anévrysme de l’aorte thoraco-abdominale : alors que les paramètres hémodynamiques conventionnels restent stables, il s’élève significativement dans les 2 minutes qui suivent le clampage, pour se normaliser après le déclampage [3].
Sa valeur normale est 0.4 [5]. Elle augmente lorsque le VG dysfonctionne, ce qui est malheureusement contre-intuitif. La mesure se fait en plaçant l’axe d’analyse Doppler à cheval entre le flux mitral et le flux de la CCVG en 4-cavités ou en long axe du VG (120°). On peut aussi réaliser des mesures séparées du flux aortique (durée d’éjection) et du flux mitral (délai entre deux flux mitraux, durée totale CI + Ej + RI), mais celles-ci ne peuvent pas être simultanées, ce qui introduit une marge d'erreur supplémentaire.
Figure 25.179 : Indice de performance myocardique de Tei. Cet indice englobe toutes les phases consommatrices d'oxygène du cycle cardiaque; il est défini par la somme du temps de contraction isovolumétrique (tCI), de contraction éjectionnelle (téj) et de relaxation isovolumétrique (tRI) divisée par la durée d'éjection: (B – A) / A. La valeur normale est < 0.5 [5]. L’indice de Tei se calcule sur l’affichage spectral des flux Doppler aortique et mitral, en plaçant la fenêtre Doppler à cheval sur la chambre de chasse et le flux mitral.
Cet indice est une sophistication des intervalles de temps systoliques (systolic time intervals), qui sont le rapport entre la période pré-éjectionnelle et la durée d’éjection : PEP/téj (PEP : durée entre l’onde Q de l’ECG et l’ouverture de la valve aortique). En cas de dysfonction, la PEP s’allonge et le rapport augmente (valeur normale : 0.4).
Indices isovolumétriques |
Les indices isovolumétriques sont indépendants de la postcharge puiqu'ils sont mesurés avant l'ouverture de la valve aortique. - Accélération du flux de l'IM (< 27 msec pour 32 mmHg) - Accélération de la contraction isovolumétrique (Doppler tissulaire) - Indice de Tei: (tCI + tRI) / téj |
© CHASSOT PG, BETTEX D. Mars 2011, Avril 2019; dernière mise à jour, Mars 2020
Références
- ALAM M, WARDELL J, ANDERSON E, et al. Characteristics of mitral and tricuspid annular velocities determined by pulse waved Doppler tissue imaging in healthy subjects. J Am Soc Echocardiogr 1999; 12:618-28
- MABROUCK-ZERGUINI N, LEGER P, AUBERT S, et al. Tei index to assess perioperative left ventricular systolic function in patients undergoing mitral valve repair. Brit J Anaesth 2008; 101:479-85
- MAYTAL R, HESS PE, ASOPA A, et al. Monitoring the variation in myocardial function with Doppler-derived myocardial performance index during aortic cross-clamping. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012; 26; 204-8
- RENNER J, CAVUS E, GRUENEWALD M, et al. Myocardial performance index during rapidly changing loading conditions: impact of different tidal ventilation. Eur J Anaesthesiol 2008; 25:217-23
- TEI C, NISHIMURA RA, SEWARD JB, et al. Non-invasive Doppler-derived myocardial performance index: correlation with simultaneaous measurements of cardiac catheterization. J Am Soc Echocardiogr 1997; 10:169-78
- VOGEL M, SCHMIDT R, KRISTIANSEN S, et al. Validation of myocardial acceleration during isovolumic contraction as a novel non-invasive index of right ventricular contractility. Circulation 2002; 105:1693—9
- VUILLE C, WEYMAN AE. Left ventricle I: General considerations, assessment of chamber size and function. In: WEYMAN AE, ed. Principles and practice of echocardiography. Philadelphia: Lea & Febiger, 1994, 575-624