L’énergie électrique fournie par le stimulateur est le produit du voltage (mV), du courant (mA) et de la durée (ms). L’inflammation locale, la cicatrisation, l’ischémie, l’hyperkaliémie ou le déplacement des électrodes peuvent augmenter l’énergie nécessaire à obtenir une stimulation adéquate [4]. Une perte d’entraînement soudaine peut être compensée momentanément par une augmentation de l’énergie délivrée (output), mais demande une révision rapide du système. Avec une sonde endoveineuse, le seuil de stimulation optimal (valeur d’output minimale à laquelle le pace-maker entraîne la cavité concernée) est < 1 mA pour le VD et < 2 mA pour l’OD [2]. Les seuils sont plus élevés pour des électrodes épicardiques placées en fin d’intervention. Le réglage du pace-maker lors de la pose d'électrodes épicardiques ou endocavitaire est décrit dans le Tableau 20.13 (Figure 20.24).
Figure 20.24 : Exemple de pace-maker temporaire externe bicaméral utilisé dans le postopératoire de chirurgie cardiaque. Il dispose de modes de fonctionnement en DOO, DVI, VOO et DDD.
Seuils
Pour tester les seuils de stimulation, on règle la fréquence à ≥ 10 batt/min au dessus de la fréquence propre du patient et la sensibilité à sa valeur maximale (voir ci-dessous). On augmente progressivement la puissance de stimulation (mA) jusqu’à ce que la cavité concernée capture la stimulation et affiche un complexe QRS sur l’ECG. Lorsqu’on teste une sonde auriculaire, le tracé affiche une configuration QRS fine de type sinusal, alors que l’image est celle d’un QRS large (type ESV) lorsqu’on teste une sonde ventriculaire. Dans les deux cas, le rythme cardiaque subit un brusque saut de fréquence de ≥ 10 batt/min. Si les seuils sont trop élevés, on inverse les électrodes. La puissance de stimulation est ensuite fixée au double du seuil observé, mais pas > 15 mA [1].
Fréquence
La fréquence est définie par le délai maximal programmé entre deux détections d’activité électrique, au-delà duquel l’appareil stimule la chambre cardiaque concernée ; c’est la fréquence de base [4]. Le délai entre deux stimulations de l’appareil peut être différent selon les programmations. La fréquence d’aimant est la fréquence à laquelle le pace-maker stimule lorsqu’on place un aimant sur le boîtier ; en général, l’activité de détection est inhibée et l’appareil fonctionne en fréquence fixe et asynchrone (variable selon les modèles, en général 50-70 batt/min). Cependant, plusieurs programmes de contrôle peuvent être activés par l’aimant, ce qui rend la réponse variable selon les réglages. La réponse à un aimant a été conçue en réalité pour tester la batterie et les seuils de sécurité.
Les modèles bicaméraux possèdent trois analyses temporelles différentes : 1) la fréquence de base, qui est le délai le plus long entre deux stimulations de l’appareil correspondant à la fréquence d’entraînement minimale en cas de bradycardie, 2) le délai AV qui définit le temps d’attente avant de stimuler le ventricule (0-300 ms), et 3) la fréquence-limite supérieure qui est le plus petit intervalle R-R auquel l’entraînement ventriculaire suit la fréquence auriculaire dans une proportion de 1:1 ; cette dernière fonction empèche le pacemaker de stimuler le ventricule à des fréquences excessives, lors de flutter ou de ré-entrée par exemple [6].
Sensibilité
La sensibilité définit l’amplitude minimale des signaux que le pace-maker reconnaît comme une activité électrique cardiaque. Ceux qui sont en dessous de cette valeur sont considérés comme du bruit et des artéfacts. Les évènements captés par une sonde auriculaire sont considérés comme une onde P, et ceux enregistrés par une sonde ventriculaire sont considérés comme une onde R. L’échelle des sensibilités est habituellement de 0.18 à 5.0 mV pour l’oreillette et 1.0 à 11.0 mV pour le ventricule. Si un signal cardiaque a une amplitude de 5 mV alors que la sensibilité est réglée sur 8 mV, par exemple, le signal ne sera pas perçu par l’appareil, mais il sera enregistré si la sensibilité est abaissée à 4 mV. Si la sensibilité est trop basse (oversensing), l’appareil interprête des signaux extracardiaques comme une onde P ou R, selon quelle électrode est lectrice. Dans le ventricule, cela conduit à une inhibition de la stimulation et à une longue pause ; dans l’oreillette, une programmation en DDD ou en VDD entraîne une stimulation excessivement rapide du ventricule. Un aimant inhibe immédiatement le circuit de détection au profit d’une fréquence fixe de 50-70 batt/min. Si la sensibilité est trop basse (undersensing), le pacemaker ne perçoit pas d’activité cardiaque intrinsèque et stimule de manière inappropriée.
Pour tester la sensibilité d’un pace-maker, la fréquence est réglée 10 batt/min en dessous de la fréquence propre du malade, le réglage de l’émission (mA) est placé au minimum et le réglage de la sensibilité est placé à sa plus haute valeur (10-12 mV) ; le pace-maker ne stimule pas. Lorsqu’on diminue progressivement la sensibilité, le voyant correspondant commence à clignoter pour chaque onde R. La sensibilité est ensuite fixée à la moitié du seuil observé. Si le patient n’a pas de rythme propre, la sensibilité est réglée d’office à 2 mV [1]. Une sensibilité inappropriée d’un canal par rapport à l’autre peut conduire à une situation où ils se stimulent l’un l’autre (crosstalk).
Période réfractaire
La période réfractaire d’un pace-maker est définie comme la période qui suit immédiatement une captation de signal ou une stimulation de cavité, pendant laquelle l’appareil ne répond pas à la perception d’un signal électrique. On évite ainsi de capter l’onde T. Dans les systèmes monocaméraux, cette période dure 200-300 ms. Dans un système bicaméral, cette période a deux composantes, le délai AV et la période réfractaire postventriculaire ; celle-ci empèche le canal auriculaire de capter des signaux auriculaire rapides ou rétrogrades (dus à la stimulation ventriculaire) et d’entraîner le ventricule à des fréquences excessives [4,6].
Certains pace-makers implantés peuvent varier de fréquence (-R). Ils possèdent des senseurs qui modifient l’entraînement en fonction des variations de l’activité du patient. Il existe divers types de senseurs : cristaux piezoélectriques intégrés à un accéléromètre qui enregistrent les mouvements (on peut accélérer la fréquence cardiaque en secouant le pace-maker), système de mesure de la ventilation-minute par bio-impédance transthoracique, mesure des variations de l’intervalle QT, mesure de la température ou du pH du sang veineux, etc [5]. En préopératoire, il est judicieux de supprimer momentanément cette fonction et de placer l’appareil en fréquence fixe, car ces systèmes déclenchent facilement des tachycardies par mésinterprétation des signaux de l’électrocoagulation ou de la ventilation mécanique, et par modifications de l’équilibre acido-basique ; d’autre part, les agents d’anesthésie ont tendance à allonger le QT.
Synchronisation AV
La synchronisation auriculo-ventriculaire assure le meilleur remplissage du ventricule et le volume systolique optimal. Les patients souffrant de dysfonction diastolique (grand âge, hypertension artérielle, hypertrophie ventriculaire, ischémie myocardique) sont particulièrement dépendants de la contraction auriculaire pour assurer la précharge du VG. En cas de non-synchronisation AV, le débit cardiaque et la pression artérielle sont abaissés de 20 à 40%. Sous une stimulation ventriculaire, le débit cardiaque est maximal à 70-90 batt/min. A fréquence ventriculaire élevée (90-100 batt/min), le débit n’augmente plus lorsque la fonction cardiaque est normale, mais il baisse en cas de dysfonction ventriculaire [6]. La stimulation ventriculaire rapide est un moyen sûr de diminuer immédiatement la pression artérielle de 25 à 50% ; on peut réaliser l’équivalent d’une pause circulatoire en stimulant le ventricue à 180-200 batt/min.
Synchronisation biventriculaire
Dans les cas de sortie de pompe difficile chez des patients dont la fonction gauche est réduite, l'entraînement électrosystolique de chaque ventricule par une électrode épicardique séparée (pacing biventriculaire) améliore la performance ventriculaire gauche (dP/dt, PAM, VS), particulièrement chez ceux qui ont un QRS large (> 120 msec) [3]. Les deux ventricules sont excités simultanément par deux électrodes épicardiques réunies sur le même pôle du boîtier de pace-maker.
Réglage du pace-maker |
Seuil : valeur de puissance minimale (output) à laquelle le pace-maker entraîne la cavité concernée (< 1 mA pour le VD et < 2 mA pour l’OD)
Sensibilité : amplitude minimale des signaux que le pace-maker reconnaît comme une activité électrique cardiaque (0.18 - 5.0 mV pour l’oreillette et 1.0 - 11.0 mV pour le ventricule)
Fréquence : délai maximal programmé entre deux détections d’activité électrique au-delà duquel l’appareil stimule la chambre concernée
Période réfractaire : période qui suit immédiatement une captation de signal ou une stimulation de cavité, pendant laquelle l’appareil ne répond pas à la perception d’un signal électrique
Synchronisation AV : stimulations successives de l’oreillette et du ventricule ; délai moyen : 150 msec
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© CHASSOT PG, RANCATI V, Mars 2008, dernière mise à jour, Octobre 2018
Références
- CHUA J, SCHWARZENBERGER J, MAHAJAN A. Optimization of pacing after cardiopulmonary bypass. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012; 26:291-301
- D’SOUZA MG, NARULA DD, EHLERT FA. Anesthesia for electrophysiologic procedures. In: THYS DM et al eds. Textbook of cardiothoracic anesthesiology. New York: McGraw-Hill Co, 2001, 711-42
- GIELGENS RCW, HEROLD IHF, VAN STRATEN AHM, et al. The hemodynamic effects of different pacing modalities after cardiopulmonary bypass in patients with reduced left ventricular function. J Cardiothorac Vasc Anesth 2018; 32:259-66
- KUSUMOTO FM, GOLDSCHLAGER N. Pacemakers: Types, function and indications. Semin Cardiothorac vasc Anesth 2000; 4:122-37
- ROZNER MA. The patient with a cardiac pacemaker or implanted defibrillator and management during anaesthesia. Curr Opin Anaesthesiol 2007; 20:261-8
- SALUKHE TV, DOB D, SUTTON R. Pacemakers and defibrillators: anaesthetic implications. Br J Anaesth 2004; 93:95-104