Un test d’effort ne se justifie que s’il modifie la prise en charge du patient. Il s'adresse à des malades présentant une coronaropathie active, programmés pour des interventions chirurgicales non cardiaques majeures, notamment vasculaires. Il n’a pas de sens dans les catégories à bas risque clinique ni pour des opérations intermédiaires ou mineures. La comparaison entre l’échocardiographie de stress à la dobutamine (ESD) et la scintigraphie au thallium-dipyridamole (STP) montre que, dans les deux méthodes, un défaut de perfusion ou de contraction modéré à sévère augmente le risque d’infarctus postopératoire de plus de 8 fois, mais que le taux de faux-négatifs est plus faible avec l’ESD [2]. La corrélation avec la prédiction des évènements postopératoires est un peu meilleure pour l’ESD, notamment chez les malades polyvasculaires. En effet, un tiers des complications cardiaques postopératoires surviennent chez des malades dont le STP était normal avant l'opération [2]. La valeur prédictive négative de ces tests est satisfaisante, mais leur valeur prédictive positive est très faible (10-20%) [1,12]. La sensibilité et la spécificité des différents tests dans la détection des sténoses coronariennes chez les malades qui présentent un angor sont rapportées dans le Tableau 3.4.
Le choix du meilleur test pour un malade donné tient à plusieurs critères [6] :
- Capacité à marcher ou pédaler ; l’ECG d’effort est inadapté aux malades polyvasculaires ou orthopédiques ;
- Echogénicité thoracique ; une faible échogénicité empèche de lire les altérations cinétiques segmentaires à l’ESD ;
- Asthme et cardiomyopathie obstructive sont des contre-indications au STP et à l’ESD, respectivement ;
- Facteurs économiques : l’ECG d’effort est moins cher que l’ESD ; la scintigraphie est le test le plus coûteux ;
- Facteurs institutionnels : le meilleur test est celui dans lequel les médecins de référence ont le plus d’expérience et de savoir-faire.
D'une manière générale, le test ne doit pas être interprété seulement en termes de positivité ou négativité. Il faut également quantifier le nombre de segments atteints, le degré et l'étendue des altérations cinétiques apparues, leur position anatomique, et leur vitesse de récupération. Chez les patients β-bloqués, les tests d'effort perdent de leur sensibilité et de leur valeur diagnostique, mais déterminent efficacement le niveau de stress maximal toléré dans les conditions du β-blocage; ils conservent donc toute leur valeur pronostique dans le cadre de l'évaluation préopératoire en chirurgie non-cardiaque [13]. Bien qu'aucun test n'imite totalement les conditions opératoires, l'ESD est celui qui se rapproche le plus de l'augmentation de la consommation d'O2 caractéristique de cette période.
Il existe trois limites majeures à l'utilité des tests d’effort dans le dépistage avant chirurgie non-cardiaque.
- Les tests ont une très haute valeur prédictive négative mais une faible valeur prédictive positive.
- La moitié environ des infarctus périopératoires ne survient pas dans les territoires les plus sténosés à l'angiographie, mais est liée à la thrombose de plaques athéromateuses instables. Or celles-ci apparaissent comme des sténoses peu significatives (< 60%) à la coronarographie et ne déclenchent pas d’ischémie à l’effort [4,8].
- La cardioprotection périopératoire (β-bloqueurs, statines, anti-plaquettaires) et le strict contrôle de la fréquence cardiaque (60-65 batt/min) limitent suffisamment le risque cardiaque pour que les épreuves d’effort deviennent redondantes, sauf pour identifier les malades qui ont besoin d’une revascularisation [3].
Pour limiter les épreuves d'effort aux patients chez qui elles ont le plus de chance d'être positives et de conduire à une modification de la prise en charge thérapeutique, il est actuellement suggéré de doser d'abord les biomarqueurs (troponines-HS I/T et BNP/NT-proBNP) chez les patients à risque avant des interventions majeures [6,11]. Ce dosage est une étape rapide et peu onéreuse qui offre l'avantage d'un pouvoir discriminatif élevé et évite de ce fait de nombreux examens inutiles (voir Indices de risque, Biomarqueurs) [5,7,9,14].
Choix du test d’effort préopératoire |
ECG d’effort : simple, peu onéreux et non-invasif, mais dépendant de la mobilité du patient et de la fiabilité de l’ECG pour l’ischémie Scan Thallium-dipyridamole : diagnostic des zones d’ischémie active et des zones infarcies, mais coûteux et utilisation de matériel radio-actif Echo de stress dobutamine : diagnostic des zones d’ischémie active et des zones infarcies, fonction ventriculaire ; le plus sensible mais dépendant de l’opérateur et de l’échogénicité du malade La sensibilité des tests d’effort augmente avec le nombre de vaisseaux coronariens sténosés à > 70%. Les tests d’effort ne sont pas sensibles pour les plaques instables peu sténosantes. Ils ont une très haute valeur prédictive négative mais une faible valeur prédictive positive. Ils ne sont indiqués que chez des malades à risque, de faible capacité fonctionnelle et prévu pour de la chirurgie majeur. Un dosage préalable des biomarqueurs permet de sélectionner les patients qui ont le plus de chance d'avoir une épreuve positive. |
© CHASSOT PG, DELABAYS A, SPAHN D, Mars 2010, dernière mise à jour, Août 2019
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