De nombreuses années s’écoulent sans symtômes pendant que l’IM entraîne un agrandissement du VG, un affaiblissement de sa contractilité, et une surcharge de volume dans l’OG, qui se dilate progressivement [1]. Lorsqu’elles apparaissent, les manifestations cliniques sont gouvernées par l’importance du volume régurgité et par la fonction ventriculaire gauche: dyspnée due à la surcharge de pression dans les veines pulmonaires (backward failure), fatigabilité due à la baisse du débit systémique efficace (forward failure), palpitations par arythmies. Si l’oreillette est très dilatée et très compliante, elle protège les poumons des effets de l’IM et la stase est peu marquée; le patient manifeste surtout une faiblesse systémique. Mais la dilatation de l'OG augmente le risque d'arythmies et de FA, perceptibles cliniquement sous forme de palpitations. Si l’IM évolue rapidement (rupture de cordage, par exemple), l’OG doit accomoder le volume régurgité sans avoir eu le temps de s’agrandir; la pression s’y élève et la stase est importante, conduisant souvent à l'œdème pulmonaire; la dyspnée domine le tableau clinique. Il arrive que des régurgitations très asymétriques, dirigée vers les veines pulmonaires d’un seul côté, puissent occasionner un œdème pulmonaire unilatéral.
Comme les malades réduisent progressivement leur activité, ils ne se plaignent pas toujours de fatique. Le meilleur critère est de s'enquérir de l'activité la plus vigoureuse dont ils sont capables. L’auscultation laisse entendre un souffle pansystolique apical de tonalité élevée et constante, qui irradie selon la direction du jet de l'IM, en général vers la région axillaire gauche (Figure 11.72). Dans les prolapsus et les ruptures de pilier, l’irradiation peut être différente selon l’orientation de l’IM. Il n’y a que peu de corrélation entre l’intensité du souffle et la sévérité de l’insuffisance [2]. Comme le volume régurgité revient en diastole dans le ventricule, le flux mitral antérograde est augmenté et accéléré, ce qui se traduit souvent par un murmure diastolique de haut débit. Le pouls est vif et hyperdynamique. A l’ECG, on note des signes d’hypertrophie ventriculaire gauche et des ondes P larges en DII, bifides en V1. Un test d'effort comme la distance de marche en 6 minutes ou une écho de stress à la dobutamine conduit souvent à reclasser les malades asymptomatiques du stade C (asymptomatique, avec ou sans dysfonction ventriculaire) au stade D (symptomatique). La réduction de taille du VG sous dobutamine indique une certaine réserve fonctionnelle et un bon pronostic, contrairement à la péjoration des symptômes et de l'IM qui signe un état déjà décompensé [9].
Figure 11.72 : Auscultation d’insuffisance mitrale. Le souffle est pansystolique, doux, régulier, et irradie vers la région axillaire.
La thérapeutique médicale est limitée dans les IM organiques; les vasodilatateurs ne sont bénéfiques que dans les IM fonctionnelles ou ischémiques. La présence d'une FA commande une anticoagulation systémique (dicoumarine pour INR 2-3) et celle d'une défaillance ventriculaire un traitement de l'insuffisance cardiaque [8]. La présence d'une IM secondaire est un facteur de mauvais pronostic; de plus, la péjoration de ce dernier est directement proportionnelle à l'importance de la fuite mitrale.
Le pronostic de l'insuffisance mitrale est déterminé par une série de facteurs [9].
- Facteurs liés à la régurgitation:
- Sévérité de l'IM;
- Rupture de cordage, déformation des structures;
- Atteinte multiple des feuillets;
- IM secondaire.
- Facteurs cliniques:
- Age;
- Classe fonctionnelle, importance de la symptomatologie;
- Coronaropathie;
- Défaillance ventriculaire;
- Délai de l'intervention par rapport au début de la décompensation.
- Facteurs liés au VG et à l'OG:
- FE < 60%;
- Dilatation du VG (diamètre télésystolique > 4.0 cm);
- Dilatation de l'OG (volume > 60 mL/m2).
- Facteurs hémodynamiques:
- Fibrillation auriculaire;
- Hypertension pulmonaire.
Cliniquement, l'insuffisance mitrale est divisée en 4 stades évolutifs par analogie à ceux de l'insuffisance ventriculaire [8,9].
- Stade A: présence de facteurs de risque pour développer une IM (maladie de Barlow, par ex);
- Stade B: présence d'une IM modérée, avec facteurs évolutifs;
- Stade C: IM sévère asymptomatique;
- C1: fonction ventriculaire conservée;
- C2: décompensation et/ou remodelage ventriculaire;
- Stade D: IM sévère symptomatique.
Examen fonctionnel
La contractilité s’altère progressivement à l’abri des conditions de charge très favorables: la fraction d’éjection (FE), dont la mesure est particulièrement dépendante de la postcharge, est inopérante comme élément prédicteur de la fonction postopératoire [7]. Une FE de 0.6 ne garantit nullement une fonction conservée, et une valeur de 0.5 signe déjà une atteinte significative de la performance systolique [4,10]. Une FE de 0.4 traduit une dysfonction grave qui a peu de chance d’être significativement améliorée par une correction chirurgicale [3,7].
Les dimensions télésystoliques du VG offrent la meilleure corrélation avec la fonction et la survie postchirurgicale [5]. Un volume télésystolique normal (diamètre du VG < 2.5 cm/m2, ou < 4 cm) correspond à une bonne contractilité et à un bon pronostic postopératoire (mortalité ≤ 1%), alors qu’un diamètre > 3.0 cm/m2 signe une dysfonction ventriculaire importante et n'assure plus une récupération fonctionnelle après correction chirurgicale (mortalité opératoire 5-6%) [5,6,7]. Après plastie mitrale, par exemple, l’incidence de dysfonction ventriculaire gauche est de 9% lorsque le diamètre télésystolique du VG est < 3.7 cm et de 33% lorsqu’il est > 3.7 cm [11].
En résumé, les caractéristiques cliniques de l’insuffisance mitrale sont les suivantes:
Caractéristiques de l'insuffisance mitrale |
Précharge élevée (surcharge de volume du VG)
Postcharge basse (l’IM fuit dès que PVG > POG)
Dilatation du VG (diamètre télédiastolique > 7 cm ou > 4 cm/m2)
Fonction systolique altérée malgré une FE conservée
Critère de dysfonction du VG: diamètre télésystolique > 4 cm (> 2.5 cm/m2)
L’IM augmente si : RAS ↑, Vtd ↑, contractilité ↓
DC systémique dépend de RAS basses
Intolérance à l’hypovolémie
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© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Novembre 2019
Références
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